« Les données, c'est le carburant de l'économie numérique », a introduit la présidente de la Cnil, Isabelle Falque-Pierrotin, pour la table ronde sur « la richesse des données et la protection des consommateurs ». Garante de la protection des internautes, elle a rappelé, à l'occasion de ce Big Tent Paris 2012 organisé au Palais d'Iéna, que le volume de données a explosé. Personnelles ou publiques, ces « datas » ont refaçonné petit à petit le rôle de la Commission qu'elle préside.
Face à la problématique du Big Data (lire notre dossier Dossier Big Data : l'analyse des données intéresse de plus en plus les entreprises), la Cnil doit redéfinir la manière dont elle encadre les données. « Avant, l'encadrement se faisait au niveau de la collecte mais aujourd'hui, les données sont partout, et elles circulent, ce qui impose de prêter une attention particulière à l'utilisation qui en est faite », a souligné Isabelle Falque-Pierrotin. En effet, lorsque des sociétés privées utilisent des données personnelles, comme les réseaux sociaux, « les utilisateurs manifestent des craintes quant à l'utilisation qui en est faite », a-t-elle ajouté.
Pour la présidente de la Cnil, même si l'internaute est libre de publier plus ou moins d'informations sur sa vie privée en ligne, « on ne peut pas reporter toute la responsabilité sur l'utilisateur final car on lit de moins en moins les conditions générales d'utilisation, d'autant qu'elles sont toujours plus compliquées », a-t-elle tenu à affirmer. Facebook modifie par exemple régulièrement sa politique de confidentialité, ce qui peut brouiller les utilisateurs.
Mais pour François Momboisse, président de la Fevad, l'utilisation de ces données personnelles à des fins commerciales n'a pas que du mauvais. « Quand vous vous rendez dans une librairie et que vous connaissez le libraire, il vous demande si vous avez apprécié votre précédente lecture, et vous conseille un autre ouvrage que vous pourriez aimer », a commencé à illustrer le représentant des e-commerçants en France. « Sur Amazon, c'est pareil. Le site utilise vos données de navigation pour vous suggérer d'autres livres. S'ériger contre cette méthode reviendrait à interdire à un libraire de se souvenir des livres que vous avez acheté », a-t-il argumenté.
Le problème, selon lui, se situe au niveau du décalage entre le rythme technologique et le rythme législatif : « Le reciblage publicitaire et la géolocalisation n'existaient pas il y a cinq ans. Et ils ont refaçonné une bonne partie de l'Internet. Par contre, le cadre européen évolue très lentement, sur des cycles de quinze ans. » Au-delà de cette contrainte légale, l'utilisation des données se heurte à un autre écueil : leur nature.
Entre données publiques et personnelles, la frontière semble claire. Pourtant, la présidente de la Cnil a tenu à préciser que certains cas pouvaient y déroger. Exemple : « Les structures publiques diffusent des informations relatives à la criminalité, elles sont très détaillées, mais anonymes. Si cette précaution protège a priori les individus concernés, on se rend compte que si on étudie les statistique à l'échelle du quartier, de fait, on retrouve les personnes et cela hôte tout anonymat ».
Alors, le législateur tente de s'adapter. Isabelle Falque-Pierrotin de rappeler que « si on a libéré plusieurs données pouvant être utilisées à bon escient dans les collèges, on a par exemple retoqué les propositions de rendre publics les taux d'incivilité par établissement »