Après des mois de préparation, Starship et son booster Super Heavy ont décollé ce 20 avril depuis la Starbase de SpaceX au Texas. Handicapé par la perte successive de plusieurs moteurs, le lanceur géant n'a pas dépassé 39 kilomètres d'altitude. Mais cet échec sera riche en leçons pour plus tard.
Elon Musk annonce déjà un prochain essai pour dans quelques mois.
Un Starship dans le nuage
Les observateurs du direct de SpaceX (près d'un million de spectateurs sur YouTube) ont bien cru qu'elle ne décollerait pas non plus ce 20 avril, après un premier report trois jours plus tôt. Le compte à rebours est en effet resté bloqué à 40 secondes du lancement durant quelques minutes. Il a finalement repris son cours sous les vivats des employés de l'entreprise, réunis en nombre en Californie pour observer le tir de l'imposante fusée.
120 mètres de haut, 5 000 tonnes au décollage, 33 moteurs Raptor V2, la fusée de SpaceX cumule les superlatifs : plus grande fusée orbitale, plus puissant lanceur au monde… Pour autant, il lui faut encore faire ses preuves. Ce 20 avril, elle a accompli un grand pas en ce sens, avec un allumage à T-0 qui a soulevé un gigantesque nuage de sable et de poussière sur l'ensemble du site. Puis Starship et Super Heavy se sont envolés au-dessus de la scène, dans une lente montée vers le ciel.
Et pourtant, elle tourne
Dès son départ, il semble que trois moteurs n'ont pas répondu présents pour conduire Starship vers le ciel, et la situation s'est ensuite lentement dégradée. Après 25 secondes de vol, un autre moteur Raptor V2 quitte l'aventure. Puis un autre, et le booster Super Heavy semble perdre des éléments de sa section moteur.
Après pratiquement deux minutes de vol, les spécialistes savent déjà que la mission n'ira pas vers l'espace. Un ou deux autres moteurs lâchent à leur tour, et l'étage principal ne dépasse pas Mach 2 avant de ralentir. La poussée, asymétrique, n'est alors plus assez compensée par les surfaces de contrôle de Starship et Super Heavy. L'étage bascule, tourne sur lui-même… et contre toute attente, n'éjecte pas Starship ! La fusée est alors au-dessus de l'océan et ne présente pas de risque majeur, ce qui explique sans doute pourquoi elle n'a pas directement été désintégrée par les systèmes automatisés ou les équipes au sol. Pourtant, alors qu'elle perd de l'altitude et que ses moteurs sont éteints, il n'y a plus rien à tenter. Starship SN24 et le Super Heavy B7 ont terminé leur carrière dans une fière boule de feu, probablement déclenchée par le système de sauvegarde.
Du succès dans l'échec (ou l'inverse)
SpaceX, tout comme son fondateur Elon Musk et une ample part de la communauté des admirateurs de l'entreprise, a vite loué le succès de cette tentative. Et en effet, les points positifs ne manquent pas. La fusée a bel et bien décollé et a suivi trois minutes durant la trajectoire prévue, le tout sans se désintégrer malgré une suite d'incidents dans sa section moteur.
Les données de vol, les retours sur le site de lancement, les informations issues de la perte des Raptor ou sur le système d'éjection de Starship (qui n'a pas fonctionné), tout cela va constituer une véritable mine d'or pour l'entreprise et ses équipes qui vont avoir du pain sur la planche pour tout déchiffrer, corriger, redessiner au besoin et retenter un vol orbital. Car on le sait, telle est l'approche de SpaceX d'apprentissage par l'erreur. Ce 20 avril, il y en a eu plusieurs, et nul ne doute de la volonté comme des moyens du géant du spatial américain à s'attaquer à les résoudre. Pourtant, et il ne faudrait pas l'oublier, c'était bel et bien un échec.
Corrections au stylo rouge
Bien masqués par la volonté martelée de « réussir avant tout à quitter le site de lancement », la fusée et son vaisseau avaient bien d'autres objectifs que d'exploser à 30 kilomètres d'altitude. Le Super Heavy devait atteindre le triple de vitesse et le double d'altitude avant de revenir tenter de se poser sur l'océan, tandis que Starship aurait dû tenter de titiller l'orbite, puis de revenir traverser l'atmosphère près d'Hawaii. Tant d'étapes qu'il faudra valider une autre fois, au cours d'une autre tentative.
Même si les équipes vont beaucoup apprendre, les objectifs restent inaccomplis aujourd'hui. Et des corrections, il va y en avoir à la pelle. Les premières concerneront sans doute le site de lancement qui, après quelques images encourageantes, apparaît amplement abîmé par l'action combinée des 33 moteurs au décollage. Réservoirs au sol percés, dalle de béton pulvérisée, équipements détruits ou soufflés, les dégâts sont nombreux, même à environ 1 kilomètre du site. Certains s'interrogent d'ailleurs sur la réaction des autorités qui avaient donné leur feu vert face aux innombrables débris qui jonchent les alentours et les dunes. D'importantes modifications sont donc attendues autour et sur ce que SpaceX appelle « l'étage 0 », l'infrastructure.
Mieux la prochaine fois ?
D'autres modifications auront probablement lieu sur la section moteur, peut-être sur les Raptors V2 eux-mêmes ainsi que sur les Starship. Tout cela était plus ou moins attendu, et il ne faudrait pas oublier que les exemplaires actuellement en attente (les Starship SN25 et 26, Super Heavy B8 et B9) ont déjà leur lot d'améliorations par rapport à ceux qui ont volé ce 20 avril.
Il sera très intéressant d'observer les activités sur le site de Boca Chica dans les prochains jours qui vont permettre d'évaluer le site, mais aussi dans les prochaines semaines et prochains mois qui seront consacrés aux corrections et aux nécessaires adaptations. Elon Musk, dans l'enthousiasme initial, a déjà annoncé un prochain essai. Il ne faut pas oublier que SpaceX a déjà montré toute l'étendue de ses talents dans cette façon de progresser. Cet échec lui coûte cher, mais peut-être moins que l'inaction, et il va lui apprendre beaucoup.
Sources : SpaceX sur YouTube, SpaceNews