L'histoire spatiale ne serait pas la même sans ses astronautes, et personne ne se souviendrait d'eux sans leurs photos ! Ces milliers de clichés sont aussi les témoins de l'évolution des techniques de photographie et des boîtiers. Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il y a du choix dans la sélection !
Quels appareils photo ont été utilisés dans l'espace ? Plus on creuse sur le sujet, plus il est facile de trouver une ou plusieurs exceptions. Alors, plutôt que de partir dans un grand recensement, voici donc quelques exemples des évolutions des boîtiers photo manipulés par les astronautes dans les 63 dernières années.
Les pionniers américains : Leica et Ansco
L'Histoire retiendra que le tout premier astronaute à embarquer un appareil photo dans sa capsule, l'Américain John Glenn, en a en réalité transporté deux. Pour son vol du 20 février 1962, il disposait en effet d'un Leica 1g avec un objectif particulier destiné à photographier le ciel étoilé et fourni par la NASA.
Mais il avait également avec lui un appareil photo issu du commerce, un Ansco Autoset, bricolé par une petite équipe à la NASA pour l'équiper d'une poignée « pistolet », et dont l'astronaute s'est servi pour photographier la Terre. Dès les missions suivantes cependant, l'agence spatiale américaine a finalement acheté un lot d'appareils Hasselblad 500c avec des objectifs Zeiss, qui sont restés la norme au sein de la NASA dans les années qui ont suivi.
Vendue aux enchères, la première caméra Hasselblad utilisée sur une mission Mercury est partie chez un particulier anglais pour 275 000 dollars.
Les pionniers soviétiques, Zenit et Saliout ?
Il y a un problème qui ne facilite pas l'identification des appareils photo soviétiques : bon nombre d'entre eux portent les mêmes noms que certaines fusées ou missions ! On retrouve ainsi des appareils Zenit, Saliout et même Mir, lesquels n'ont aucun usage corrélé aux missions spatiales du même nom. L'un des premiers appareils semble en tout cas être un Zenit 5K, qui a volé à partir des premières missions Soyouz (1967) et qui avait la particularité d'être l'un des premiers équipés d'une batterie rechargeable. Une batterie pouvait assurer entre 300 et 400 clichés, ce qui était énorme pour l'époque. De plus, le boîtier embarquait des films spécifiques au spatial russe, des Svema.
D'autres marques d'appareils photo soviétiques ont volé, comme le modèle FK-6, qui était embarqué sur plusieurs missions, dont la très représentative ASTP (Apollo-Soyouz Test Program) en 1975. À cette occasion particulière, comme la capsule Apollo était pressurisée à l'oxygène pur, l'appareil fut équipé de joints particuliers et reconstruit pour s'assurer qu'aucune pièce n'était inflammable. Seules 4 unités avec ces caractéristiques ont été produites en URSS.
Hasselblad vole la Lune à Leica
Lors de la préparation de ses missions Apollo, la NASA considérait chaque détail, et la masse des appareils photo ne faisait pas exception. Il s'agissait de mesurer chaque gramme devant décoller de la surface lunaire pour disposer d'un maximum de marge afin de pouvoir rapporter des échantillons et rentrer à la maison. Or, les boîtiers Hasselblad EL500 sont lourds… Si lourds d'ailleurs que l'agence américaine étudie d'autres options, en particulier des Leica MDa avec des objectifs Summilux. À tel point que les astronautes se sont entraînés avec.
Pourtant, ce sont bien des Hasselblad qui ont produit les clichés iconiques des missions Apollo. Alors, pourquoi ? Tout simplement parce que les films interchangeables (couleur/N&B) étaient plus faciles d'usage, plus pratiques et beaucoup plus légers que ceux de leurs concurrents, malgré le poids des boîtiers. La solution retenue était simple : rapporter les pellicules et laisser les boîtiers sur la Lune. Oui, il y en a plus d'une vingtaine qui traînent là-haut, avis aux amateurs !
À noter que pour Apollo 15, la NASA a choisi de tester un boîtier Nikon en demandant à l'entreprise japonaise de modifier un Nikon Photomic FTN sorti trois ans plus tôt. Joints, visserie, boîtier, objectif : l'entreprise se plie en quatre pour l'agence américaine, qui n'en fera pourtant pas grand usage sur la Lune. C'est plutôt un investissement d'avenir...
À l’ère de la navette et des stations, le règne de Nikon
Disons-le tout de suite, Nikon a trouvé un bon client avec la NASA, dès les années 70 et les missions Skylab (Nikon F), mais aussi ensuite en devenant le fournisseur quasi exclusif des appareils photo des astronautes pour les missions de navette. Cela incluait par ailleurs les photographies dans les navettes STS, mais aussi à l'extérieur, lors des sorties extravéhiculaires.
Il s'agissait d'appareils modifiés pour l'occasion, produits sur la même base que ceux du commerce, mais modifiés en lots pour que cela revienne moins cher à l'agence américaine. Pour les premières missions, Nikon fournit des F3 modifiés en deux modèles différents, avec poignée et gros boîtier, ou en version plus légère. C'est aussi une période d'évolution pour la photographie dans l'espace, car les astronautes ont accès à des objectifs différents (auparavant, ils avaient surtout un 80 millimètres et un téléobjectif de 250 millimètres) de la gamme Nikon. 35, 55, 105, 135 millimètres…
Pour les sorties EVA, Nikon doit mettre au point des lubrifiants particuliers qui ne gèlent pas à très basse température, un caisson étanche et des optiques dans un verre particulier. À l'image des scaphandres, il y a plus que ce que l'on pense sous la couverture thermique !
Nikon restera l'industriel de référence, et il le devient dans le monde entier après la chute de l'Union soviétique, et ce, malgré une décennie 1990-2000 très compliquée en photographie. Le Nikon F4 Hybride est le premier du genre envoyé dans les navettes et stations, avec des boîtiers équipés de disques durs capables d'enregistrer 40 photographies, que la NASA pouvait ensuite télécharger en moins d'une heure au sol pour les diffuser.
D'autres clichés des astronautes sont devenus célèbres : ceux capturés grâce aux caméras IMAX embarquées sur les navettes. Mais ces derniers ne sont pas vraiment des appareils photo avec des boîtiers classiques, ce sont d'impressionnants instruments en position fixe dans des caissons pressurisés sur la navette.
L'ISS passe au numérique et aux boîtiers haute qualité
Si la conception de la Station spatiale internationale remonte, pour une grande part, à avant l'arrivée de la photographie numérique, les astronautes ont pour leur part été équipés de ce qui se faisait de mieux. Et pourtant, ce sont des boîtiers proprement monstrueux qui résidaient dans les premières années sur l'ISS, des Nikon-Kodak DCS 460c. Puis, ce sont des boîtiers issus des grands succès publics (ou plus précisément leurs dérivés adaptés aux astronautes) qui ont fait leur apparition au fil des années dans la station, mais aussi au sol.
La NASA utilise un marquage de « classe 1 » pour les appareils prêts à l'usage au sein de l'ISS. Puis, en particulier dans le cas des appareils numériques dont les capteurs sont régulièrement dégradés par les rayons cosmiques, ils sont ensuite rapatriés sur Terre pour servir à l'entraînement à Houston, ou détruits.
Nikon est toujours le roi avec des boîtiers D2xs, D3X, D3S, D4S et D5, puis tout récemment le format a encore changé pour des photos toujours plus résolues avec le Z 9. Il y a eu occasionnellement d'autres appareils à bord de l'ISS, comme un Sony A7S II utilisé pour de la vidéo, et plus récemment des iPhone. Ces derniers appartiennent surtout aux membres des missions Axiom, car les astronautes utilisent des tablettes ou des ordinateurs, et n'ont pas de smartphones.
Il y a quelques mois, la NASA a sélectionné Nikon (quelle surprise) pour fournir les boîtiers photo qui équiperont les astronautes du programme Artemis pour les prochaines missions lunaires. Ce seront des Z 9 modifiés.
23 juin 2024 à 17h33