Si vous scannez vos papiers d'identité sur le Web, vous devriez vous méfier... © RVillalon / Shutterstock
Si vous scannez vos papiers d'identité sur le Web, vous devriez vous méfier... © RVillalon / Shutterstock

La messagerie Telegram est devenue le supermarché favori des cybercriminels. Faux papiers, drogues, armes ou données personnelles volées s'y échangent en toute discrétion. La modération y est quasi inexistante, malgré les affirmations de son fondateur Pavel Durov.

Lisabet Balk a eu la peur de sa vie. Cette Finlandaise de 21 ans a découvert que son selfie et sa carte d'identité, envoyés pour vérifier un compte sur un réseau social, étaient en vente sur Telegram. 8 dollars le lot, proposé par un certain « Dock Services ». Ses données ont ensuite été revendues par d'autres escrocs se vantant de rouler en Mercedes grâce à leurs arnaques. Un cauchemar devenu réalité pour cette jeune esthéticienne.

Mais son histoire n'est pas un cas isolé. Telegram est devenu le repaire des cybercriminels en tout genre. L'application revendique près de 1 milliard d'utilisateurs dans le monde. Parmi eux, des milliers de malfrats profitent de sa facilité d'utilisation et de son laxisme en matière de modération. C'est d'ailleurs entre autres chefs d'accusation ce qui a valu l'arrestation en France de son patron, Pavel Durov.

Des pièces d'identité aux armes à feu : le supermarché de l'illégal sur Telegram

Dans le cas de Lisabet Balk, il s'agissait d'une chaîne Telegram qui revendait des scans de pièces d'identité récupérés sur des sites comme Facebook ou OnlyFans, qui demandent à leurs utilisateurs de télécharger une copie de leur pièce d'identité pour vérification. Il semble que sur Telegram, les données personnelles volées soient monnaie courante. Des canaux entiers sont consacrés à la vente de pièces d'identité, passeports et autres documents officiels obtenus illégalement. Ces informations sont une mine d'or pour les escrocs, qui les utilisent pour créer de faux comptes bancaires ou commettre des fraudes à l'identité.

Mais ce n'est que la partie émergée de l'iceberg. Telegram est devenu un véritable bazar du crime en ligne. Quelques clics suffisent pour trouver des vendeurs proposant tout et n'importe quoi. Vous voulez un Magnum 44 avec ses munitions ? Comptez 3 000 euros, à récupérer à Lyon. Une BMW i8 volée vous fait envie ? 12 000 euros, et les fausses plaques sont offertes.

Les stupéfiants ne sont pas en reste. Dans chaque ville française, on trouve facilement des dealers proposant cannabis ou cocaïne en livraison à domicile, comme le rapporte l'enquête de nos confrères du Monde. La concurrence est rude, certains n'hésitant pas à mettre en place de véritables stratégies marketing : promotions, cadeaux, garantie de ponctualité… Aux Pays-Bas, une étude a même recensé pas moins de 10 000 vendeurs de drogue actifs sur la plateforme.

Sur Telegram, les faux papiers, c'est à la carte... ou au menu - Capture d'écran © Mélina Loupia pour Clubic
Sur Telegram, les faux papiers, c'est à la carte... ou au menu - Capture d'écran © Mélina Loupia pour Clubic

Pourquoi Telegram est-il le paradis des cybercriminels ?

Le succès de Telegram auprès des escrocs n'est pas dû au hasard. D'abord, son interface est simple et intuitive. Contrairement aux sites du dark net, souvent lents et peu pratiques, Telegram offre une expérience utilisateur fluide. Les criminels peuvent facilement créer des canaux pour vendre leurs produits ou services illégaux.

Ensuite, l'application se targue d'une politique de confidentialité stricte. Elle affirme ne jamais divulguer les données des utilisateurs à des tiers. Cette promesse, couplée à son refus de coopérer avec les autorités, en fait un havre de paix pour les activités illicites. Au Royaume-Uni, les trafiquants de drogue ont même été plus perturbés par une grève des postiers que par les opérations de police !

Enfin, la modération sur Telegram est quasi inexistante. Pavel Durov, le fondateur, a beau jurer que son application est surveillée, la réalité est tout autre. Même les contenus pédopornographiques y circulent presque librement. L'application se contente de bloquer quelques mots-clés, mais des groupes spécialisés comptant des milliers de membres persistent.

Heureusement, le vent est en train de tourner pour l'application, qui chérissait pourtant la protection absolue des échanges dans les conversations privées pouvant réunir de nombreux membres. Et c'est Pavel Durov en personne qui s'y colle avec une annonce sur son compte X.com.

Il explique en effet que parmi les changements opérés en vue, Telegram a « également désactivé le téléchargement de nouveaux médias sur Telegraph, notre outil de blog autonome, qui semble avoir été utilisé à mauvais escient par des acteurs anonymes. Alors que 99,999 % des utilisateurs de Telegram n'ont rien à voir avec la criminalité, les 0,001 % impliqués dans des activités illicites donnent une mauvaise image de l'ensemble de la plateforme, mettant en péril les intérêts de notre presque milliard d'utilisateurs. C'est pourquoi nous nous engageons cette année à faire passer la modération sur Telegram d'un domaine de critique en un domaine d'éloge. »

Il continue néanmoins de ne pas comprendre pourquoi ce n'est pas sa société plutôt que lui qui est mise en cause dans cette affaire, et de se défendre de tout refus de coopération. Il indique ainsi qu'en Europe, Telegram dispose d'un représentant légal joignable sur demande des autorités, et il affirme coopérer avec la France dans la lutte contre le terrorisme.

En attendant, si vous avez partagé vos données personnelles sur Internet, vous le savez, soyez prudent quant aux mouvements suspects de vos comptes bancaires, surveillez vos e-mails en quête d'une tentative de phishing et tenez vos applications et systèmes à jour. Un renouvellement régulier de vos mots de passe ou l'utilisation d'un gestionnaire de mots de passe sont également vivement conseillés.

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