Un smartphone affiche le logo de Telegram à l'avant, alors que le portait de Pavel Durov apparaît en arrière-fond © Shutterstock
Un smartphone affiche le logo de Telegram à l'avant, alors que le portait de Pavel Durov apparaît en arrière-fond © Shutterstock

Il y a deux semaines, le monde apprenait que le fondateur de Telegram, Pavel Durov, avait été arrêté à la sortie de son jet privé, à l'aéroport du Bourget. Une affaire d'ampleur mondiale sur laquelle Clubic revient aujourd'hui pour vous.

Quand on est, comme Pavel Durov, le créateur d'une application de messagerie qui compte près de 950 millions d'utilisateurs à travers le monde, on devient automatiquement un personnage public important. Raison pour laquelle l'arrestation du milliardaire de 39 ans par les autorités françaises, pour des faits uniquement en lien avec le fonctionnement de son application, a fait beaucoup de bruit à travers le monde.

La saga, aussi jeune soit-elle, a été l'occasion de découvrir au fil des jours de nouvelles informations. Si vous avez eu du mal à tout suivre, vous allez pouvoir retrouver dans cet article tout ce qu'il y a à retenir de l'affaire Telegram.

Une arrestation surprise à l'aéroport du Bourget

Ce samedi 24 août, en fin de soirée, des gendarmes français attendaient Pavel Durov à la sortie de son jet privé, qui venait de se poser à l'aéroport du Bourget, en région parisienne. Une interpellation surprise que personne n'avait vraiment vu venir, malgré les polémiques entourant l'application Telegram.

Et le dossier était plus que sérieux. L'homme d'affaires a en effet d'abord été mis normalement en garde à vue, avant de voir celle-ci prolongée à plusieurs reprises, au point qu'elle aurait pu atteindre les 96 heures - un maximum prévu généralement pour des infractions comme le trafic de stupéfiants, le meurtre ou bien le grand banditisme. Il a finalement pu sortir de prison au bout de 80 heures, tout en se voyant signifié une interdiction de sortie du territoire français.

© Wiki Commons
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Un tollé international après l'annonce de l'interpellation

Évidemment, cette mise aux arrêts aurait difficilement pu passer inaperçu. La nouvelle de l'arrestation de Pavel Durov a vite fait les gros titres de la presse mondiale, et a fait réagir de nombreux géants de la tech. Elon Musk, Edward Snowden ou même Vitalik Buterin (créateur d'Ethereum) ont ainsi critiqué cette décision, y voyant un coup de canif important contre la liberté d'expression.

Le bruit a été tel qu'il a même finalement poussé le président de la République Emmanuel Macron à réagir publiquement sur son compte X. Dans un message posté un peu moins de deux jours après l'arrestation de Pavel Durov, il niait toute implication politique à ce dossier judiciaire, et affirmait que « l'arrestation du président de Telegram sur le territoire français a eu lieu dans le cadre d'une enquête judiciaire en cours. Ce n'est en rien une décision politique. Il revient aux juges de statuer. »

Les accusations contre Telegram sont des accusations contre Pavel Durov

Et le dossier est particulièrement épais, puisque Pavel Durov est l'objet de pas moins de 12 chefs d'accusation, dont près de la moitié le sont simplement pour « complicité » de divers crimes graves. Ici, il faut évidemment comprendre le concept de complicité comme étant synonyme de laxisme grave dans la modération des contenus disponibles sur Telegram, laxisme qui serait volontaire, et ce, du fait d'une certaine philosophie libertarienne de Pavel Durov.

Une notion très élastique et qui a pu être critiquée par certains juristes. L'avocat spécialisé en droit du numérique Alexandre Lazarègue s'est ainsi fendu il y a quelques jours d'une tribune dans Le Monde, dans laquelle il expliquait que « la justice française se fait une conception curieuse et extensive de la complicité. » Pavel Durov, dans un message posté ce jeudi 5 septembre, pointait lui aussi du doigt cette interprétation juridique, s'étonnant de voir la justice poursuivre directement le PDG de Telegram, et non la société elle-même.

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Du changement dans la modération de Telegram

La multiplicité des chefs d'accusation laisse en effet penser qu'il s'agit en quelque sorte pour la justice française bien plutôt de presser Pavel Durov pour obtenir du changement sur son réseau que de punir un délit ou un crime particulier. Certains voient ainsi un message derrière toutes ces accusations : « Pavel Durov doit modérer plus fortement Telegram. »

Hasard du calendrier, ou message bien reçu, une nouveauté est apparue ces derniers jours dans la section FAQ du site Telegram. Alors que jusque-là, Telegram annonçait clairement que les discussions privées ne pouvaient faire l'objet d'actions de la modération, l'entrée décrivant ce principe a été effacée. À la place, une nouvelle disposition stipule dorénavant qu'il existe un bouton « Signaler » lorsqu'un internaute fait face à du contenu illégal.

De même, Pavel Durov, pour son premier post sur X à la suite de son arrestation, a voulu faire passer un message. Pour lui, la mauvaise réputation de Telegram serait due à une poignée microscopique de mauvais utilisateurs (« 0,001% » des 950 millions de personnes utilisant l'application, selon les propos du milliardaire franco-russe). Et Telegram devrait désormais tout faire pour mettre sur la touche cette toute petite minorité, grâce à une meilleure modération, ce qui permettrait de redorer le blason de l'application auprès des autorités.

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Elon Musk se demande comment il devra voyager à l'avenir

Le contrecoup est certes difficile à encaisser pour Telegram, mais cette affaire pourrait de loin dépasser l'avenir de la seule application de messagerie. Comme le montre la suspension de X au Brésil, cette façon de faire un peu rugueuse de la justice française avec les réseaux sociaux pourrait devenir une manière d'agir beaucoup plus commune dans les prochaines années. Et entraîner des changements de comportement de la part des grands acteurs du milieu.

Elon Musk, encore lui, a ainsi exprimé une certaine inquiétude pour ses futurs déplacements, alors que son réseau social est très souvent critiqué par les pouvoirs publics, et même l'objet d'investigation au niveau européen. Au Brésil, il a par ailleurs fermé la représentation légale de X afin de protéger les employés de possibles répercussions judiciaires, tout en demandant récemment à tous les employés de Starlink, aussi sous pression dans le même pays, d'éviter de voyager prochainement au Brésil.

Pavel Durov a lui aussi brièvement évoqué l'avenir de l'industrie dans un monde où les personnes à l'origine de technologies d'échange deviendraient les responsables personnels et premiers de ce qui adviendra ultérieurement sur leur plateforme. « Aucun innovateur ne construira de nouveaux outils s'il sait qu'il peut être tenu personnellement responsable des abus potentiels de ces outils » a-t-il pu plaider.

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Emmanuel Macron n'aurait pas été mis au courant

Des arguments qui peuvent porter, surtout auprès d'hommes politiques qui cherchent à attirer les talents chez eux. C'est le cas d'Emmanuel Macron, grand utilisateur de Telegram, qui avait d'ailleurs permis à Pavel Durov d'obtenir la citoyenneté française en 2021. Une décision « prise dans une stratégie totalement assumée, de permettre à des femmes et des hommes,(…) lorsqu'ils font l'effort d'apprendre la langue française et qu'ils développent de la richesse, de l'innovation, qu'ils rayonnent dans le monde, quand ils le demandent, de leur donner la nationalité française. »

Un Emmanuel Macron qui, loin des accusations portées contre lui d'utiliser des moyens de la justice contre Pavel Durov, aurait été mis à l'écart de cette enquête. Selon des informations fuitées par le Canard enchaîné, le parquet de Paris, craignant justement des pressions du fait de la proximité entre le milliardaire russe et le président de la République, aurait instruit cette enquête dans le plus grand secret. Des informations qui donnent par ailleurs enfin une clé de compréhension au pourquoi de l'atterrissage de Pavel Durov à Paris.

Beaucoup de personnes s'étaient en effet à l'époque interrogées sur le comportement du patron de Telegram, qui venait faire une excursion à Paris tout en s'y sachant l'objet d'un mandat de recherche. Une désinvolture surprenante… qui n'en était pas une, Pavel Durov n'ayant en fait aucune connaissance de ce mandat porté contre lui, selon le Canard enchaîné.

À l'heure actuelle, Pavel Durov est libre en France, même s'il ne peut quitter le territoire. Telegram continue de fonctionner, et ce, d'autant plus que son frère, Nikolaï Durov, à l'origine de l'infrastructure de l'application - et par ailleurs aussi recherché par la justice hexagonale -, vit lui sans crainte en Russie. Alors, doit-on s'attendre à des changements fondamentaux dans la très populaire application de messagerie dans les prochains mois ?

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