Test effectué sur PS4 Pro via un code fourni par PlayStation
Tout a commencé sur la scène de Sony à la Paris Games Week 2017. Au tout début de sa conférence, le constructeur japonais dévoilait une nouvelle licence intitulée Ghost of Tsushima. Derrière ce soft narrant une épopée fictive dans un contexte et un lieu bien réels, se cachent les développeurs de Sucker Punch, à l'origine des sagas Sly Cooper et inFamous. Ghost of Tshushima nous emmène sur l'île japonaise de Tsushima donc, alors que cette dernière est envahie par l'empire mongol au XIIIème siècle. Pour vivre cette période, assez atypique pour un jeu vidéo, nous prenons place dans les bottes d'un samouraï : Jin Sakai.
Bienvenue à Tsushima
L'aventure commence sur une plage, théâtre d'une bataille sanglante entre l'armée mongole dirigée par l'impitoyable Khotun Khan et une poignée de samouraïs. Hélas, ces derniers sont rapidement massacrés et notre héros réchappe de justesse grâce à l'aide d'une voleuse. Sans trop en dire, c'est cette jeune femme qui va entraîner Jin sur des chemins obscurs et l'éloigner de la droiture que lui impose son sens de l'honneur, si cher à son clan. L'objectif est simple : libérer l'île de l'envahisseur par tous les moyens possibles.Rapidement, le titre de Sucker Punch nous permet d'explorer une partie de l'île, riche en panoramas somptueux. La patte artistique du studio est un point fort incontestable de Ghost of Tsushima. Le soleil couchant au loin, les orages violents qui se dessinent à l'horizon ou encore le blizzard épais en font une contrée vivante et crédible. Si d'un point de vue technique le jeu n'est pas exempt de tout reproche, un charme certain se dégage des multiples décors qui peuvent être parcourus à pied comme à cheval. Autre bon point, l'exclusivité PS4 est parfaitement optimisée avec des temps de chargement très courts lors des voyages rapides et ne souffre de presque aucun ralentissement.
Les développeurs ont bien conscience de cette force. Ainsi, ils n'hésitent pas à en mettre plein la vue lors des séquences de dialogue, avec une caméra qui s'éloigne des personnages pour s'attarder sur de superbes environnements. Le mode photo, extrêmement complet, permet même aux créateurs de se faire plaisir avec de nombreux filtres et autres effets spéciaux. Ghost of Tsushima a ainsi tout d'une vraie carte postale.
Enfin, ultime curiosité esthétique, l'aventure est entièrement jouable avec un filtre noir et blanc rappelant les premiers films de samouraï.
« La patte artistique du studio est un point fort incontestable de Ghost of Tsushima »
Un remplissage un peu facile ?
Dans sa structure globale, Ghost of Tsushima n'invente absolument rien malgré quelques idées intéressantes sur le papier. Les mauvaises langues le comparent déjà à un Assassin's Creed qui se serait perdu sur l'archipel nippon... Et il y a du vrai derrière cette petite moquerie.En effet, en plus de l'inévitable quête principale qui se déroule en plusieurs actes, Jin Sakai peut visiter des zones d'intérêt représentées par des points d'interrogation sur la carte. Nous pouvons y découvrir des bains d'eau chaude pour augmenter la santé du héros, y suivre des renards pour débloquer des charmes (nous y reviendrons plus tard), composer des haïku pour obtenir des accessoires et même chasser les mongols de certains lieux. C'est plutôt classique et rapidement redondant.
Mais à notre grand étonnement, et contrairement à un Assassin's Creed Odyssey qui en abusait, Ghost of Tsushima possède finalement très peu de vraies quêtes annexes. Les plus intéressantes s'attardent sur un personnage bien particulier et se débloquent au fil du jeu.
Ces missions permettent de découvrir la personnalité et les facettes des personnages secondaires qui accompagnent Jin durant l'histoire principale. Plutôt bien écrits et avec quelques petits rebondissements en prime, ces récits se révèlent divertissants. Ils creusent à la fois la philosophie des samouraïs et permettent de saisir pleinement les enjeux de l'invasion mongole.
Hélas, Ghost of Tsushima se heurte à une problématique qui frappe de nombreux jeux en monde ouvert : la répétitivité. Ainsi, toutes les quêtes, et même celles qui concernent « Le Voyage de Jin » (comprenez par là l'histoire principale), nous invitent à tuer des mongols par dizaines, à suivre des pistes et à nous infiltrer dans tel ou tel lieux. Il faut bien l'admettre, le jeu peine à se réinventer. Et c'est finalement une bonne chose de voir le générique de fin défiler après « seulement » quelques dizaines d'heures passées en compagnie de Jin.
« Les mauvaises langues le comparent déjà à un Assassin's Creed qui se serait perdu sur l'archipel nippon... Et il y a du vrai derrière cette petite moquerie »
Un combat gagné d'avance
Il est clair qu'à travers le gameplay de sa production, Sucker Punch a voulu rendre hommage aux samouraïs. Ainsi, avant qu'un groupe d'ennemis ne repère Jin durant une quête ou lors d'une rencontre aléatoire, il est possible d'activer une confrontation avec l'un de ces adversaires. En maintenant la touche triangle puis en la relâchant au bon moment, le concurrent est tué en un seul coup de katana. Cette sorte de duel permet de donner le ton avant un affrontement de grande envergure. Autre bonne idée, notre héros peut opter pour quatre postures différentes au cours d'un combat. Chaque position est adaptée à un type d'ennemi, qui sera alors plus vulnérable. La posture du vent est par exemple parfaite pour contrer les mongols dotés d'une lance, quand celle de la Lune est idéale pour défaire les brutes imposantes.Mais une fois ces idées certes un brin originales mises de côté, Ghost of Tsushima tombe dans la facilité. Jin doit simplement parer, esquiver puis enchaîner avec un coup faible ou un coup fort, ce jusqu'à vider la barre de vie de l'ennemi. Une jauge de détermination (ou d'endurance) se remplie au fil des coups distribués puis permet de se soigner ou bien de déclencher des techniques spéciales. Le tout fonctionnerait plutôt bien si la caméra ne passait pas son temps à se pommer en route. En effet, il faut constamment la replacer manuellement pour suivre correctement ce qu'il se passe à l'écran. Toutefois le véritable problème est encore ailleurs...
Si les mongols peuvent encaisser un nombre parfois prodigieux de coups, c'est pour compenser leur intelligence artificielle absolument catastrophique. À l'instar des premiers Assassin's Creed (oui encore eux...), les envahisseurs attendent bien souvent leur tour pour se faire démembrer par Jin. Ils s'infligent aussi trop souvent des dégâts entre eux... Et que dire des phases d'infiltration durant lesquelles nos pauvres adversaires sont complètement aveugles et tombent tous au combat au même endroit grâce à des flèches étonnamment bien placées.
Enfin, notez que si Jin a la bonne idée de se dissimuler dans les hautes herbes, tout ce petit monde est rapidement dépassé par les événements. Ces errances, qui cassent l'immersion, ne sont plus acceptables dans un jeu de 2020.
« Si les mongols peuvent encaisser un nombre parfois prodigieux de coups, c'est pour compenser leur intelligence artificielle absolument catastrophique »
Un peu de RPG... mais pas trop quand même
Au fil de son épopée sanglante, Jin Sakai peut débloquer des armures et des katanas. Si chaque protection affiche des bonus différents selon le modèle équipé (meilleure furtivité, augmentation de la santé, absorption des dégâts...), seule l'esthétique des armes change vraiment. Elles n'ont ainsi pas de niveau de dégât ou même de rareté et partagent toutes une jauge de puissance commune, pouvant être améliorée en récoltant des ressources plus ou moins dissimulées dans l'environnement. Comme si Sucker Punch n'avait pas eu le temps d'aller au bout de ses ambitions en créant des armes uniques...Par ailleurs, nous l'avons mentionné précédemment, notre cher samouraï peut également s'équiper de plusieurs « charmes », des enchantements qui confèrent des bonus passifs. Enfin, les inévitables arbres de compétences sont de la partie pour améliorer postures, puissance des objets et autres techniques d'infiltration à l'aide de points d'expérience. Ces derniers s'obtiennent en faisant grimper la réputation de Jin, à force de terminer des missions et objectifs sur l'île. Une fois encore, c'est du grand classique.
Une samouraï sans sens moral
À sa sortie en 2009, inFamous, du studio Sucker Punck avait été applaudi pour son système de karma qui permettait de faire pencher le héros du bon ou du mauvais côté selon les choix pris au cours du jeu. L'histoire comme le gameplay s'en trouvaient alors drastiquement modifiés. Mais ce système, qui semblait avoir totalement sa place dans Ghost of Tshushima, est étonnement absent.Durant toute son aventure, Jin Sakai est torturé entre sa volonté de rester fidèle à ses enseignements et celle de les trahir en assassinant ses cibles dans l'ombre tel un voleur. Les voix du samouraï et du fantôme s'affrontent ainsi sans relâche dans l'esprit du héros. Or si cette thématique est extrêmement présente, le joueur n'a que peu le loisir de l'influencer. En dehors des quêtes qui sont très dirigistes, ne laissant aucune place à l'improvisation, le joueur peut simplement décider de se comporter tel un vrai samouraï, quitte à se compliquer la tâche en attaquant de face, ou opter pour la « facilité » en tuant sans se faire repérer.
Cette opposition constante fait naître une dualité très intéressante qui aurait alors vraiment mérité d'être approfondie. D'autant que plusieurs dialogues nous invitent à choisir entre deux réponses distinctes. Mais là encore, cela ne modifie aucunement la suite du récit. Au final, malgré l'île immense de Tsushima qui ne demande qu'à être explorée, le jeu n'apporte pas la bouffée d'air frais tant attendue pour clôturer la carrière de la PS4 aussi magistralement qu'elle l'aurait mérité.
Ghost of Tsushima est bon dans bien des domaines mais demeure trop classique voire carrément frileux dans d'autres, manquant cruellement de profondeur.
Ghost of Tsushima : L'avis de Clubic
Passé l'émerveillement des premières heures face à la beauté incontestable de l'île, Ghost of Tsushima tombe irrémédiablement dans la redondance. Si le gameplay est porté par de bonnes idées, ces dernières laissent rapidement place à des approximations regrettables et à un contenu classique.Attention, le titre de Sucker Punch n'est absolument pas une mauvaise pioche mais il se contente de copier ce qui se fait ailleurs depuis de nombreuses années sans forcément mettre ces éléments à sa sauce. Bref, c'est un divertissement appréciable qui semble malheureusement être arrivé deux ou trois ans trop tard.