Qwant : derrière la page d’accueil du "Google killer" français

Thomas Pontiroli
Publié le 22 février 2013 à 07h04
Lancé en fanfare alors qu'il n'était pas encore tout à fait prêt, Qwant a attiré la lumière des médias et de la communauté Internet qui y ont encore vu un Google à la française. Blessée dans son orgueil par un billet de blog à charge, la start-up défend sa vision de la recherche Web, à l'ère des réseaux sociaux.

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Sitôt mis entre les mains des internautes, le moteur de recherche français Qwant est promulgué au rang de futur Google tricolore par le tout Internet. Lancé en bêta le jour de la Saint-Valentin, il n'aura pas réussi à contenir le désamour plus de deux jours : sous le masque de Lucien Théodore, un blogueur anonyme publie une diatribe voulant « démasquer » le nouveau-né. « Qwant n'est pas un moteur de recherche, juste une interface qui utilise les technologies des autres », tance le billet.

La page d'accueil rappelle le plus connu des moteurs de recherche, normal, nous dit le cofondateur, Jean-Manuel Rozan, rencontré jeudi. « Neuf personnes sur dix utilisent Google et l'associent donc à la recherche. Il faut que Qwant soit immédiatement identifié comme un moteur de recherche », explique-il. Ce postulat astreint à des choix esthétiques dans les clous du californien, mais permet d'atteindre l'objectif qui est de comprendre où l'on se trouve. Deuxième mission, « saisir la différence avec Google ». Pour l'instant, « c'est raté », confie-t-il, car « il faut aller sur la deuxième page pour s'en rendre compte ». L'équipe y travaille.

Une fois sur la fameuse deuxième page, le doute n'est plus permis : exit les œillères d'un Google qui ne sait qu'afficher des liens pointant vers des sites Web, nous fait comprendre Éric Léandri, directeur des opérations de la start-up. Cela aurait pu s'appeler « Cinq colonnes à la Une ». Sites Internet, actualités, fiche de présentation, réseaux social et shopping, tels sont les piliers de Qwant, sans oublier les photos et les vidéos. C'est ici qu'on entre dans le vif du sujet. Car c'est de cette idée que tout est parti. « J'ai eu de nombreuses discussions avec Éric sur ce sujet, et lui me disait qu'il pouvait le faire », raconte Jean-Manuel Rozan.

La botte secrète de Qwant, son moteur social

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Qwant, résultat de recherche
« On voulait montrer plusieurs informations sur un seul écran afin d'offrir du contexte », ajoute-t-il. Alors, lui, son collègue, Patrick Constant, de la société Pertimm, et dix employés ont réalisé Qwant. C'était à la fin de 2010. Essayons-le avec, au hasard, le terme « Google ». Première colonne : tous les sites de l'américain sont sagement juxtaposés, de Google+ en passant par Maps ou Google Images. La partie Live nous apprend que « Google prédit les résultats des Oscars sur une page spéciale » ou qu'il « aurait un PC tactile dans ses cartons ». Côté « Qnowledge Graph », la fiche détaillée nous rappelle que Google naquit en 1998, extrayant ici les informations de la fiche Wikipedia consacrée au moteur.

Mais ensuite ? Si ces premières données permettent effectivement d'enrichir la recherche et de la garnir d'éléments de contexte récents, la quatrième est plus intéressante encore. Fruit d'un algorithme maison, promettent les fondateurs - contrairement aux assertions du détracteur anonyme selon lesquelles Qwant s'adossait à Kurrently, cette partie interroge les réseaux sociaux. Facebook, Twitter et Google+ - « nous sommes fair play » commente au passage Éric Léandri -, pour l'instant, Tumblr et consorts pour bientôt. « Et ne me parlez pas de hashtags ! » s'emporte-t-il, (encore moins de mot-dièse). Qwant ne se limite pas à ça.

C'est à vrai dire la grosse plus-value que veut faire valoir la jeune pousse. « Google est un excellent moteur de recherche pour des sites Web et nous ne ferons absolument jamais ce qu'ils font », tient à clarifier le cofondateur, « mais ça, c'était le modèle de ces dix dernières années, il n'y a pas d'instantanéité ». Il ajoute que Qwant « veut accélérer le Web » grâce aux données sociales. « L'Internet social a aujourd'hui le même bruit que le Web 1.0 avant que Google ne l'organise. Il y a donc quelque chose à faire », estime Éric Léandri. En cela, et aussi parce qu'il est infinitésimal, il ne se revendique pas concurrent du californien.

Un pari technique difficile qui ne tourne pas le dos aux API

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Jean-Manuel Rozan, Qwant
D'ailleurs, il ne le pourrait pas. « Il est absolument absurde de penser que Qwant peut faire la même chose que Google. Eux ont 1 500 personnes qui travaillent sur le ranking pour compléter leur algorithme, indexent des milliards de pages, possèdent une infrastructure colossale et pèsent 260 milliards de dollars en Bourse » sonnent les deux hommes. Alors Éric Léandri fulmine quand on l'accuse d'afficher les résultats Web et images de Bing, via l'API de Microsoft. Qwant utiliserait son propre moteur de tri sémantique pour mixer les résultats de plusieurs sources, dont Bing, « ce qui est légal » répond-il. Mais reconnaît que le mélange est à parfaire.

Pour autant, la start-up œuvre à son développement. Manifestement très coûteux. Jean-Manuel Rozan indique que Qwant a pour l'instant levé un peu moins de 10 millions d'euros, apportés en partie par ses fonds propres, mais aussi par des investisseurs américains parmi lesquels Robert Pittman, ancien p-dg de MTV, d'AOL et à la tête du fonds Pilot Group. « Une des limites aujourd'hui est l'infrastructure. Nous ne pensions pas avoir vingt millions de pages vues en dix jours. Et si nous voulons développer notre indexation, nous devons investir encore », explique-t-il. Qwant envisage de lever une somme équivalente en juin.

Pour l'instant, la société a essentiellement investi dans la technique afin de sortir très vite un produit présentable. « Nous savons que des projets similaires sont dans les cartons aux États-Unis et nous devions dégainer les premiers », indique Éric Léandri. Qwant devra rapidement se doter d'équipes commerciales, marketing et d'une régie publicitaire - grâce à laquelle la start-up entend gagner de l'argent, presque comme Google. Mais elle devra investir en infrastructure. « Nous utilisons les services de Telecity et pour être réactifs, nous avons recours bien sûr à des disques SSD, ce qui est assez onéreux », souligne le cofondateur.

Après un buzz et un retour de bâton, cap sur la crédibilité

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Qwant, page Mosaic
Ainsi Qwant entend étendre les capacités de sa technologie, issue de la société Pertimm, laquelle édite les moteurs de recherche des sites Auchan, Pages Jaunes ou Meetic. Technologie qui repose sur « les moteurs sémantiques et le triptyque crawling, indexation et recherche ». Dans le détail, Qwant affirme que l'algorithme de tri est au point même si le robot d'indexation n'est pas encore actif. À terme, la start-up ambitionne de « mettre en place un index pertinent qui permettra très rapidement à Qwant de proposer ses propres résultats, couplés à ses propres choix sémantiques ».

À la question de savoir combien de pages Web constituent l'index de Qwant - sans compter les données de Bing -, Éric Léandri répond qu'il préfère parler d'« items d'informations ou d'objets », considérant que la notion de pages Web « est assez obsolète ». Un tweet est-il une page Internet ? Il est pourtant référencé. Dans les prochains mois, Qwant veut développer une application mobile en responsive design et intégrant les données de géolocalisation. Nouer de nouveaux partenariats sur le Shopping. Développer une présence média. Et essayer de gagner en crédibilité.

Après ce relatif faux départ, la mission de Qwant est de prouver au public qu'il peut transformer l'essai et devenir un moteur de recherche utilisé. Après une longue carrière d'investisseur, Jean-Manuel Rozan confie que « beaucoup de gens se trompent dans l'appréciation du risque. À première vue, Qwant paraît très risqué, mais ça n'est pas le cas ». L'enjeu pour le moteur français sera de ne pas faner à l'ombre du géant américain.
Thomas Pontiroli
Par Thomas Pontiroli

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