C'est en tant que candidat que Numericable a présenté ses résultats 2013 ce mercredi. Un candidat au rachat de SFR qui, depuis deux semaines, a vu ses chances de réussite sérieusement compromises par une contre-offre-éclair de Bouygues Telecom. Si Éric Denoyer, son PDG, ne s'est pas trop épanché sur l'opération, les arguments vantant sa société n'ont pas manqué.
« Numericable est une société française de droit français et qui paye ses impôts en France », a-t-il introduit, répondant aux principales critiques faites à l'encontre de l'actionnaire principal du câblo-opérateur, Patrick Drahi, qui vit en Suisse, dont le fonds Altice est sis au Luxembourg et ses holdings résident à Jersey ou encore Guernesey. Si acquisition de SFR il y a, « le nouvel ensemble aura son siège, son management, sa cotation française et paiera ses impôts en France », défend-il dans Les Echos du 12 mars.
Numericable a gagné 81 000 abonnés en 2013
Malgré la débâcle boursière depuis le début de la semaine à la bourse d'Amsterdam, où est coté Numericable, et où le titre a perdu 16% en cinq jours, le câblo-opérateur avait tout de même de bons résultats à présenter pour son bilan commercial 2013 : sa base totale d'abonnés a progressé de 5% sur un an pour atteindre 1,7 million de clients dont 1 million à l'offre Multiple Play Numericable (+7%), 305 000 à la TV seule (-15%) et 363 000 en marque blanche (+22 ,2%), via Bouygues Telecom dont il fournit l'offre très haut débit.En ligne avec ses objectifs, Numericable a amélioré sa base de clients nets de 81 000 abonnés en 2013, poussés par une bonne adoption de LaBox Fibre qui équipe 300 000 de ses clients, près de trois fois plus que l'année d'avant. Cette croissance s'est accompagnée d'une augmentation du revenu moyen par abonné (Arpu) de 2,7% sur un an, qui passe à 41,9 euros par mois, contre 40,8 euros en en 2012 et 39 en 2010.
Cette évolution a contribué à relever le chiffre d'affaires du groupe en 2013 qui s'est établi à 1,3 milliard d'euros, en légère hausse de 1%, alors que le résultat net a plongé de plus de 32% à 65 millions d'euros. Évoluant dans un « contexte économique difficile », la branche entreprise, via l'opérateur Completel (qui équipe la moitié des ministères et 70% du CAC 40) a reculé de 4% sur un an à 310 millions de recettes.
Eric Denoyer défend sa technologie
Éric Denoyer a défendu sa technologie de fibre optique avec terminaison coaxiale, dont le principal défaut actuellement est d'offrir un débit montant inférieur à la fibre jusqu'à l'abonné, c'est-à-dire 10 Mb/s pour Numericable contre 200 Mb/s dans le meilleur des cas pour SFR par exemple. « Les besoins correspondent à la quantité croissante des écrans, au nombre de 6,5 en moyenne par foyer. Les usages sont surtout axés autour de la vidéo en streaming - légale - ce qui demande un bon débit descendant », a-t-il souligné.Alors que l'offre fibre de Bouygues Telecom est en partie propulsée par Numericable, le patron du câblo-opérateur n'a pas manqué d'égratigner subtilement la technologie ADSL qui, selon lui, n'est aujourd'hui « plus capable de couvrir cette demande en débit ». Et sur les évolutions à venir, d'indiquer que la fibre jusqu'au dernier amplificateur (FTTLA) de Numericable évoluera jusqu'à des débits descendants de 1 Gb/s et même 10 Gb/s, et que les débits montants pourraient augmenter jusqu'à avoir une connexion symétrique. Sur ce sujet Patrick Drahi précise dans Les Echos que cette technologie peut atteindre 100 Mb/s en émission.
Au-delà de la technologie, Éric Denoyer a rappelé, en montant progressivement le ton, que Numericable était le premier fournisseur de très haut débit en France avec près de 68% du marché selon l'Arcep. « Une fois qu'on a l'infrastructure, les clients l'utilisent, cela montre que c'est elle qui compte et pas le marketing. Bouygues a réussi à être le deuxième acteur de la fibre grâce à notre réseau », a ajouté le responsable.
Enfonçant le clou au point peut-être de faire siffler les oreilles d'Olivier Roussat, PDG de Bouygues Telecom, Eric Denoyer a insisté : « La transition vers la fibre n'est plus niée par ceux qui n'ont pas de réseau. » Et Numericable s'emploie à déployer son réseau. Le câblo-opérateur prévoit d'investir entre 360 et 370 millions d'euros cette année, un rythme qu'il maintiendra durant trois ans afin d'avoir raccordé 8,5 millions de foyers à la fibre en 2016 - contre 5,2 millions en 2013. Numericable veut brancher jusqu'à 800 000 foyers en 2014.
SFR et Numericable sont « complémentaires »
Sans commenter l'offre de Numericable sur SFR, Eric Denoyer a rappelé que ce projet a « un sens fort pour le secteur » et « sera créateur de valeur ». « SFR a investi historiquement dans le réseau et dispose des autoroutes nationales, mais qui s'arrêtent aux villes alors que Numericable a les routes départementales, ainsi les deux réseaux se rencontreraient dans les NRA, et seraient complémentaires », a-t-il expliqué.Alors que Bouygues Telecom propose de vendre son réseau mobile à Free pour satisfaire aux exigences du régulateur des télécoms en cas de rachat de SFR, Numericable estime que son offre est bien plus simple à mettre en œuvre, et ne réclame pas de « cession, de réarrangement ou de destructions d'emplois ». « Nous avons juste besoin de techniciens qui connecteront nos réseaux », a schématisé le patron de Numericable.
À la clé, a-t-il continué à argumenter, le réseau combiné des deux opérateurs atteindrait 12 millions de prises fibre d'ici 2017 et 15 millions en 2020, avec « un coût d'infrastructure combiné faible car les réseaux sont complémentaires ». De son côté, Bouygues Telecom propose 400 millions d'euros d'investissement annuel sur le déploiement de la fibre ce qui, d'après Éric Denoyer, ne permet d'installer que 700 000 prises par an.
Si l'offre d'Olivier Roussat a reçu le soutien du ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg en début de semaine, le PDG du câblo-opérateur a tenu à souligner que son offre permettrait d'atteindre les objectifs du Plan Très Haut Débit (.pdf), porté par Fleur Pellerin et le gouvernement.
Des créations de postes, avec ou sans SFR
Le point le plus sensible dans cette recomposition des télécoms et malgré les promesses de Bouygues, concerne l'emploi. C'est sur ce volet que Numericable est le plus solide. « Il est facile pour nous de garantir l'emploi car nous n'avons pas de doublons avec SFR », a rappelé Eric Denoyer, « la croissance du très haut débit va même permettre de recruter du personnel ». Numericable embauchera 200 personnes en 2014.D'un point de vue commercial, Eric Denoyer a appuyé le fait que sa société n'avait pas de boutiques en double avec la filiale du groupe Vivendi. « Bouygues Telecom possède 600 magasins doublons avec SFR et qui emploient en moyenne 4 employés, ce qui met en danger 2 400 emplois », a fait valoir le PDG. Ce dernier a également manifesté son inquiétude au sujet de la cession possible du réseau mobile de Bouygues Telecom à Free. Une opération qui concernera selon lui 1 200 emplois et au sujet desquels il s'interroge sur le devenir.
L'offre de rachat de Numericable sur SFR est valable jusqu'à vendredi 14 mars. Passé ce délai, la filiale de Vivendi ne disposera plus d'alternatives. Si ce scénario ne se concrétise pas, le câblo-opérateur indique qu'il continuera à développer le très haut débit, considérant que ce marché est de toute façon très porteur. Il espère recruter entre 200 000 et 250 000 nouveaux abonnés à son offre dans les deux ans à venir.
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