gTLD : l'arrivée du ".vin" inquiète les défenseurs des AOC

Ludwig Gallet
Publié le 14 mai 2013 à 19h10
L'an dernier, l'Icann publiait la liste des demandes d'extension des noms de domaine. Parmi les 1 930 demandes de gTLD de premiers niveaux qui ont été recensées figurent quatre requêtes liées au vin. Un député UMP s'inquiète de répercussions potentiellement néfastes pour la filière.

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C'est en janvier 2008 que le conseil d'administration de l'Icann a lancé le processus d'extension des noms de domaines. Quatre ans plus tard, 1 930 demandes de gTLD ont été adressées à l'autorité. L'objectif est de permettre à des entreprises, des collectivités locales (la Bretagne et Paris viennent d'obtenir leurs extensions en .bzh et .paris) et autres groupements de profiter d'adresses liées à leur activité, à leur marque ou à leur spécificité.

Si l'attribution d'extension du type « .apple » ou « .windows » ne souffrira d'aucune contestation, il pourrait en être bien autrement des gTLD génériques tels que « .beauty » ou « .vin ». Parmi les demandes qui ont été adressées, quatre concernent justement la filière vini-viticole. À savoir trois candidatures pour le nom de domaine en .wine et une pour le .vin. Après attribution des extensions, leurs propriétaires peuvent potentiellement les exploiter pour revendre des adresses Internet spécifiques.

De quoi inquiéter Jean-Louis Christ, député UMP de la 2ème circonscription du Haut-Rhin. Dans une question adressée à Fleur Pellerin, il considère que l'extension des gTLD, à travers le « .wine » ou le « .vin », risque d'ouvrir une brèche dans la protection des AOC (appellations d'origine contrôlée). Un problème soulevé également par Patrick Hauss, Directeur commercial France de la société Netnames, qui souligne la particularité de ces gTLD génériques . « Il faut faire très attention avec des extensions portant sur des domaines bien spécifiques, dans lesquels des considérations géographiques entrent en jeu ».

Quels risques pour les vignobles français ?

Dans sa question adressée à la ministre de l'économie numérique, Jean-Louis Christ se montre particulièrement alarmiste. Pour lui, les extensions des noms de domaines en .wine ou en .vin vont tout simplement déboucher sur « un grand marché spéculatif autour de la vente de noms de domaine ». Ce qui pourrait conduire à la vente d'un domaine « bordeaux.vin » à un acteur qui n'aurait aucun rapport avec le vin bordelais par exemple. Ce qui pourrait potentiellement être constitutif de tromperie pour le consommateur.

Pour Patrick Hauss, il n'est pas exclu que ces difficultés ne finissent par devenir effectives. Mais sous certaines conditions. « Il faut savoir que chacun des opérateurs intéressés par une extension présente un dossier complet sur les conditions juridiques, financières et administratives de son exploitation. Il pourra alors s'agir soit d'une exploitation fermée, soit d'une exploitation ouverte. Ce n'est que dans ce second cas que les risques deviennent bien réels ».

Quels garde-fous ?

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Si l'Icann ne se base donc en principe que sur ces considérations d'ordre juridique et administratives pour attribuer les extensions de noms de domaine, elle a tout de même mis en place des mécanismes qui potentiellement permettent, ou auraient dû permettre de limiter les risques. Elle a ainsi instauré une procédure d'objections permettant à certains acteurs (communautés, secteurs d'activités, marques, etc) de s'opposer à certaines extensions pour la simple raison qu'elles risqueraient de leur nuire. Le problème, relève Patrick Hauss, « vient du manque de moyens injectés pour faire la publicité de ces procédures ».

Autre moyen de contrôle, le fait que l'autorité mondiale se tourne vers les États à travers le GAC (Governmental Advisory Comittee), comité de régulation constitué de représentants d'une cinquantaine de nations à travers le monde. Ce dernier a le pouvoir d'attribuer des avertissements négatifs vis-à-vis de certaines demandes.

Vers une multiplication du cybersquattage ?

Face à l'explosion du nombre d'extensions (il en sortira 20 par semaine à partir de septembre prochain), on peut déjà imaginer les risques croissants de cybersquattages, qu'il s'agisse d'acteurs souhaitant jouir de l'image d'une marque ou d'autres espérant réaliser une belle plus-value à la revente de noms de domaines très prisés.

Ce qui est certain, c'est que le potentiel est là. « D'ici trois ans, on devrait compter un milliard de noms de domaines contre 250 millions aujourd'hui », explique Patrick Hauss. Leur protection sera donc de facto plus difficile à assurer et à contrôler.

Pour lutter contre ce phénomène, l'ICANN a lancé son programme Trademark Clearinghouse, une base de donnée censée permettre aux entreprises de faire valoir leurs droits. Un outil d'alerte a été développé afin de prévenir les enseignes si une demande de dépôt risque de leur porter atteinte. Mais son volet le plus important, explique le dirigeant de Netnames, vient du « Sunrise service », Ce droit de priorité accordé aux marques de déposer leur nom de domaine lors de la mise à disposition d'une nouvelle extension si cette dernière lui est identique. ce droit de priorité est valable pendant 90 jours.

Tout l'intérêt pour les marques sera donc d'agir dans ces 90 premiers jours suivant l'arrivée d'une nouvelle extension. À elles de se montrer suffisamment réactives pour agir dans les temps. Sinon, « elles risquent de se retrouver dans l'oeil du cyclone, face à tous les acteurs qui essaieront de faire l'affaire du siècle », explique Patrick Hauss. Avant de « crouler sous un contentieux massif »...
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