Des chauffeurs Uber veulent le statut de salarié : les prud’hommes vont trancher

Alexandre Boero
Par Alexandre Boero, Journaliste-reporter, responsable de l'actu.
Publié le 19 décembre 2018 à 19h23
uber chauffeurs

Neuf chauffeurs Uber ont comparu devant le Conseil de prud'hommes de Paris, mardi, avec la ferme intention d'obtenir le statut de salariés de la société de VTC.

Le Conseil de prud'hommes de Paris va devoir trancher et affirmer si les chauffeurs Uber sont bien des travailleurs indépendants ou des salariés déguisés. Le 18 décembre, près d'une dizaine d'entre eux ont comparu devant les « juges du travail » face à la société américaine Uber. S'il leur faudra attendre la réponse des prud'hommes jusqu'au 11 mars 2019, les conducteurs ont bon espoir d'obtenir satisfaction. La Cour de cassation a récemment rendu un arrêt qui pourrait aller en leur faveur.

Une jurisprudence désormais favorable aux chauffeurs de VTC

Le 28 novembre 2018, la chambre sociale de la Cour de cassation a rendu un arrêt par lequel elle a reconnu le statut de salarié à des livreurs à vélo de la plateforme Take Eat Easy / Allo Resto, en cassant un précédent arrêt d'appel. Cette décision de la plus haute juridiction de l'ordre judiciaire français pourrait bien trouver un écho chez les juges du Conseil de prud'hommes de Paris.

Selon la Cour de cassation, ce qui fait la différence, ici, c'est le lien de subordination qui existe entre la plateforme et le coursier. Take Eat Easy pensait pouvoir se défendre en brandissant la flexibilité et la liberté totale des horaires choisis par ses conducteurs. Mais en réalité, il existait un réel lien de subordination, puisque l'application utilisée est équipée d'un système de tracking permettant une géolocalisation en temps réel. De plus, les coursiers pouvaient être sanctionnés par l'entreprise, en cas de manquements répétés comme l'absence de réponse au téléphone pendant les plages horaires définies, l'incapacité à réparer une crevaison, ou le refus d'assurer une livraison. Tout cela a convaincu la Cour de cassation qu'il y avait un véritable lien entre l'entreprise et le livreur.

« Uber garde la main sur tout »

Ces principes pourraient être transposables aux chauffeurs Uber avec la société de VTC. Car si le système Uber n'est pas celui de Take Eat Easy, « il existe, dans les conditions de travail des chauffeurs, des éléments prouvant qu'ils sont eux aussi sous un pouvoir de direction, de contrôle et de sanctions », affirme Sylvie Topaloff, l'un des deux avocats des demandeurs, qui nous fait comprendre que malgré les apparences et la transaction faite en toute autonomie, « Uber garde la main sur tout. »

Brahim, l'un des chauffeurs passés devant les prud'hommes parisiens, rappelle que les conducteurs Uber ne disposent que du lieu de prise en charge du client, lorsqu'ils acceptent une course. Uber, de son côté, connaît la destination finale ainsi que le tarif. Tout transite bien par la plateforme. Concernant la rémunération, c'est encore une fois Uber qui l'a décidée seul. Sa commission est passée de 20 à 25% du prix de la course sans consulter les chauffeurs, indique Sylvie Topaloff.

Les chauffeurs Uber soumis à la surveillance et à la répression de l'entreprise

Les chauffeurs Uber sont également soumis, au même titre que les livreurs Take Eat Easy, à un système de surveillance symbolisé par la géolocalisation des chauffeurs. En soit, il est difficile de s'en absoudre, puisqu'il permet de rassurer le client sur la bonne tenue de la course commandée.

Enfin, s'agissant des sanctions prononcées par la société de VTC, Sophie Topaloff précise qu' « une note par les clients inférieure à 4,5/5 vaut un rappel à l'ordre », et que si la situation ne s'arrange pas, le chauffeur peut être « déconnecté d'office », ce qui peut être apparenté à une mise à pied déguisée. Uber s'en défend en affirmant que lorsque « l'algorithme détecte trois refus de prise en charge alors que vous êtes connectés, il en déduit que vous êtes allés déjeuner ou êtes en train de travailler pour une autre plateforme. Il vous déconnecte, mais vous pouvez vous reconnecter d'emblée. »

Aujourd'hui, 30 000 chauffeurs font vivre le marché des VTC en France. Avec le statut de salarié, ils voudraient obtenir des congés payés, une mutuelle et les différents droits sociaux réservés aux personnes titulaires d'un contrat de travail français. Leur destin évoluera peut-être dans les prochains mois.

Alexandre Boero
Par Alexandre Boero
Journaliste-reporter, responsable de l'actu

Journaliste, responsable de l'actualité de Clubic – Sensible à la cybersécurité, aux télécoms, à l'IA, à l'économie de la Tech, aux réseaux sociaux ou encore aux services en ligne. En soutien direct du rédacteur en chef, je suis aussi le reporter et le vidéaste de la bande. Journaliste de formation, j'ai fait mes gammes à l'EJCAM, école reconnue par la profession, où j'ai bouclé mon Master avec une mention « Bien » et un mémoire sur les médias en poche.

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667

Le statut de travailleur vient d’etre accorde ici a Londres par une cour d’appel. Conges payes, pauses reglementaires et salaire minimum au programme. Evidemment Uber va aller devant la cour supreme. Le verdict en appel ayant ete rendu a 2 juges contre 1, la partie est loin d’etre jouee.

Et a un mois ou deux d’une possible IPO, on comprend pourquoi ils jouent la montre. Un changement de business model au Royaume Uni et peut etre en France ferait boule de neige et mettrait la boite en difficulte.

madforger

ils avaient qu’à réfléchir ces abrutis avant de faire chauffeur uber, faut vraiment rien avoir dans la tête pour croire que l’on peut en vivre. Alors maintenant ils tentent de faire comme a New York… pathétique…

exoje

Bon, pour leur défense, ont ce fait tellement s***miser par le système, que c’est bien de pouvoir l’utiliser pour soi contre ceux qui font le maximum pour racler le minimum d’impôts malgré les sommes colossales entre leurs mains. Bien que ce genre de comportement n’attire pas forcément de nouvelles entreprises. Il y a tout à revoir…

Azarcal

200 000€ le droit de driver, comme les taxi…

Doss

La licence est gratos pour les Taxis car elle est donné par la préfecture en quantité limité. C’est donc la revente de licences qui est a 200 000€ car elles sont rare et que les Taxis font tout pour qu’elles le restent, grosses greves lorsque Sarko a voulu doublier les Licences. De plus les Taxis paye leur essence hors taxe et profité de plein d’autre petit avantage qu’on pas les VTC, voie de bus, présence dans les aéroports etc…
Bref, cette licence est un pure produit spéculative au main du lobby des Taxis…

KlingonBrain

@madforger En même temps, il y a des millions de chômeurs partout. Et la société pousse au cul pour que les gens fassent quelques chose.

Moi je dirais que c’était plutôt à Uber de réfléchir avant de croire qu’on peut employer des gens comme ça à plein temps sans les payer comme des salariés.

noxi_1_1

il faut comprendre le système Uber, qui s’est généralisé dans beaucoup de service.
Uber est une simple plateforme, le chauffeur est en auto entrepreneur qui fait un partenariat avec la plateforme et reverse 25%.
tous les chauffeurs VTC ne demande pas d’être salarié… et ce système est présent par exemple en gestion de patrimoine. Une société X utilise son nom et son réseau, pour lancer des auto entrepreneur Gestionnaire e Patrimoine, avec leur propre portefeuille client. L’auto entrepreneur reverse 25% de son chiffre à la société mère.

KlingonBrain

Si c’était aussi simple, n’importe quelle entreprise pourrait se transformer en “simple plateforme” et faire devenir ses salariés des “Partenaires” précaires.

Mais dans certains pays, il y a des règles pour faire la différence entre salarié et entrepreneur qui ne sont pas uniquement basées sur le statut juridique.

En France, pour faire simple, dès lors qu’un entrepreneur travaille à plein temps pour un seul et unique client, il y a un risque de requalification en salarié par l’administration. Et cela, qu’il le veuille ou non…

Après, la question de savoir qui est le client se pose. Il peut être compliqué de faire la différence entre un simple système de mise en relation et un employeur déguisé. Les tribunaux peuvent utiliser certains critères pour tenter d’évaluer le lien de subordination. Par exemple, qui fixe les prix. Qui facture le client. Et bien d’autres encore…

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