Il y a un an, les Français pouvaient visionner Orange is the new black, légalement pour la première fois : Netflix débarquait en France en grande pompe, avec couverture médiatique importante et soirée de lancement pleine de stars de ses séries phares. Pour le grand public, c'était surtout synonyme d'arrivée sur le marché français de l'un des poids lourds de la SVOD, très populaire aux Etats-Unis, et dont le développement en Europe a connu une importante accélération ces deux dernières années.
Avant Netflix, en France, la SVOD se résumait surtout à CanalPlay, service de vidéo à la demande sur abonnement du groupe Canal. Autour de lui gravitaient de plus petits services, comme VideoFutur, mais un concurrent doté d'un catalogue important et international se faisait attendre. Fort de sa réputation, Netflix semblait tout désigné pour chambouler le paysage de la SVOD française, en poussant les autres services à muscler leurs offres. Mais un an après, le constat est mitigé sur ce point : si Netflix a contribué à démocratiser la SVOD, le marché français n'en est pas plus fleuri pour autant.
Le mystère des chiffres
Le premier mystère concerne le nombre d'abonnés de Netflix en France. Si le service n'hésite pas à valoriser les chiffres au niveau mondial - 68 millions d'abonnés payants en juillet dernier - il est avare en chiffres locaux. Pour savoir combien Netflix disposerait d'abonnés en France, il faut se pencher vers des estimations, parfois obtenues de manières fantaisistes. Le cabinet d'études anglais Future Source Consulting évoquait mi-août 750 000 abonnés en France. Le cabinet IHS, de son côté, estimait début juin que 2 millions de Français seraient abonnés à Netflix en 2019, considérant au passage que 500 000 personnes étaient abonnées dans l'immédiat. D'autres, comme le cabinet NPA, coupent la poire en deux, et évoquent des chiffres variant entre 600 000 et 700 000,. Dans tous les cas, aucune estimation réelle n'est faite pour déterminer combien d'abonnés paient, et combien utilisent le mois gratuit mis à disposition des nouveaux abonnés. Il en va de même pour les parts d'utilisateurs abonnés aux différentes offres, dont les prix varient de 7,99 à 11,99 euros pour l'accès à l'Ultra HD.Des chiffres fluctuants face auxquels Netflix reste stoïque. Chaque questionnement d'un employé du service lors des rendez-vous accordés par la plateforme se solde, au mieux, par un sourire en coin lorsqu'on cherche à en savoir plus sur le nombre d'abonnés. Lors de notre entretien durant l'IFA, Neil Hunt nous avait expliqué que la France était « un pays très satisfaisant pour Netflix », sans rien ajouter d'autre. Certaines personnes proches du service et bien informées n'hésitent cependant pas à glisser que Netflix serait « premier » sur le marché français, mais sans chiffres officiels, impossible de le certifier. Par ailleurs, Joris Evers, le responsable de la communication en Europe, nous a affirmé qu'aucune communication n'était prévue à l'occasion du premier anniversaire du service en France.
A côté de la culture du secret de Netflix, d'autres cherchent à souligner qu'ils sont toujours là. Début septembre 2015, CanalPlay revendiquait « plus de 700 000 abonnés » ce qui mettrait la plateforme française au coude-à-coude avec Netflix, si les chiffres de ce dernier se confirmaient - ce qui ne devrait jamais être le cas.
Un catalogue à l'évolution positive
Point plus simple à vérifier, l'évolution du catalogue de Netflix a globalement tenu ses promesses... pour qui aime les séries télévisées. Car c'est bien sur ce point que le service américain a mis l'accent en France, pour une raison simple et désormais parfaitement identifiée : la chronologie des médias française, qui l'empêche de proposer des films sortis en salles depuis moins de 3 ans.Lors de son arrivée en France, le catalogue de Netflix comptait 3 600 programmes, et il approche désormais des 11 000. Comme nous l'expliquions dans un précédent article, cette évolution notable s'explique surtout par la hausse importante du nombre de séries disponibles, un épisode correspondant à un programme. En parallèle, CanalPlay, son principal concurrent en France, a vu son catalogue baisser de 10%, passant de 10 000 programmes à environ 9 100 en un an.
L'un des points forts de Netflix en matière de contenu s'avère également être ses séries exclusives : Daredevil a été l'un des plus grands succès de la plateforme cette année à travers le monde, visionnée dès les dix premiers jours de disponibilité par 10% des abonnés outre-Atlantique. Ce qui est difficile à établir aujourd'hui, c'est si les succès de Netflix poussent de nouveaux abonnés à sortir leur porte-monnaie : Daredevil a aussi été un colossal succès sur les plateformes de piratage, devenant la série la plus téléchargée illégalement cette année, derrière l'indétrônable Game of Thrones...
Poids lourd mondial contre challengers locaux
Reste que comparer Netflix à CanalPlay n'a pas vraiment lieu d'être : le premier est international, négocie des catalogues souvent en ce sens, et dispose de ses propres productions exclusives. Le second n'est disponible qu'en France, et dispose de moyens plus restreints. La comparaison a encore moins de sens avec des acteurs plus petits du marché français, qui regroupent pour la plupart moins de 1 500 programmes dans leur catalogue.Netflix ne pousse pas non plus l'innovation du côté de la concurrence : si l'Américain développe cette année l'Ultra HD sur sa plateforme, et multiplie les partenariats avec les constructeurs de télévision, CanalPlay se limite au 720p, pour ne citer que ce point. Le seul point fort de CanalPlay par rapport à Netflix, c'est qu'il propose un mode hors-ligne, permettant de visionner du contenu pour le regarder sans connexion Internet à disposition.
La présence du service de SVOD français dans l'Hexagone n'a pas non plus poussé le débat concernant la chronologie des médias, comme on aurait pu l'imaginer suite aux limites de cette exception française mises en avant lors du lancement de Netflix.
Un an après son lancement en France, Netflix n'a pas chamboulé le marché Français, mais il a su s'y installer. Preuve de la confiance de la plateforme : l'augmentation récente du tarif mensuel de l'abonnement deux écrans, qui est passé de 8,99 à 9,99 euros pour les nouveaux abonnés, soit un tarif similaire à celui proposé aux Etats-Unis.
2016 pourrait être un terrain favorable à Netflix en France : le service compte notamment proposer sa première série exclusive française, Marseille, avec Gérard Depardieu. Initialement annoncée pour 2015, la série vient finalement d'entrer en tournage ces dernières semaines. Et puis, 2016 notera également l'arrivée de la plateforme sur le marché des films exclusifs, mais à ce niveau, la question se pose concernant leur disponibilité en France, puisque la chronologie des médias risque de compliquer la situation. On n'a pas fini d'entendre parler de Netflix.