Morne ambiance au Centre Spatial Guyanais, sans décollage jusqu'à juin ou juillet. © ESA/CNES/CSG/Arianespace/ JM Guillon
Morne ambiance au Centre Spatial Guyanais, sans décollage jusqu'à juin ou juillet. © ESA/CNES/CSG/Arianespace/ JM Guillon

La situation est connue, les Européens n'ont actuellement aucun lanceur disponible pour envoyer les importants satellites scientifiques et institutionnels avec leurs propres moyens… Jusqu'à l'entrée en service d'Ariane 6 et le retour des plus petits lanceurs. Cela concerne au moins 5 tirs (et probablement d'autres à venir).

L'Europe spatiale tente de mettre fin en 2024 à sa longue crise des lanceurs. Ariane 6 devrait décoller pour la première fois en juin ou juillet prochain, avec quelques charges utiles, principalement dédiées à des essais en orbite. Puis les lanceurs Vega et Vega C sont attendus pour la fin de l'année. C'est peu, malheureusement, comparé aux besoins de l'ESA et de l'Union Européenne, qui n'ont pas cessé leurs programmes scientifiques pendant cette période.

Comme en 2022 après la fin des tirs de Soyouz, puis en 2023 depuis l'arrêt des tirs d'Ariane 5, il y a donc besoin d'envoyer des satellites à l'étranger pour les voir décoller. Une solution décriée d'un côté, mais qui permet toutefois de faire avancer les programmes et la recherche : l'an dernier, le télescope Euclid envoyé depuis la Floride a pu atteindre son site de collecte au point de Lagrange L2 à 1,5 million de kilomètres de la Terre, et commencer à cartographier les galaxies. D'autres décollages vont suivre.

Ariane 6 arrive, mais il faudra encore être patients avant qu'elle s'attaque à la liste de commandes des satellites à envoyer... © ESA/CNES/CSG/Arianespace/P. Piron
Ariane 6 arrive, mais il faudra encore être patients avant qu'elle s'attaque à la liste de commandes des satellites à envoyer... © ESA/CNES/CSG/Arianespace/P. Piron

La part belle aux Américains

Il y a d'abord la mission scientifique du satellite EarthCARE. Ce dernier caractérisera l'atmosphère et les nuages pour tenter de comprendre le bilan radiatif de la Terre, ainsi que son effet précis sur les variations du climat. Des données très attendues, un satellite qui représente la collaboration entre l'ESA et l'agence japonaise, la JAXA… et un décollage avec la fusée Falcon 9 de SpaceX attendu au printemps. Autre fleuron scientifique, la sonde d'exploration Hera décollera à l'automne prochain avec une fusée similaire, pour aller inspecter le duo d'astéroïdes Didymos et Dimorphos (souvenez-vous, en 2022 la NASA avait impacté Dimorphos avec un petit véhicule, DART). Peu de surprise ici, ces tirs sont annoncés depuis plus d'un an.

L'ESA a également confirmé les deux décollages, toujours en négociation, pour emmener quatre satellites de positionnement européen Galileo, dont les plus vieilles unités sont actives depuis plus d'une décennie. Enfin, le satellite d'observation double Proba 3, véhicule de recherche inédit avec un « pare-soleil » qui sera piloté à plusieurs centaines de mètres de distance, décollera de l'Inde, tandis que le petit satellite AWS (Arctic Weather Satellite) qui servira de prototype à l'agence météorologique européenne pour une petite constellation dédiée à la surveillance des pôles décollera comme d'autres avec Falcon 9 depuis les États-Unis (en juin).

La petite mission Proba 3 décollera depuis l'Inde. © ESA

Le programme Copernicus attend aussi son taxi…

Dans les vœux de l'agence européenne et la présentation de ses activités pour 2024, plusieurs observateurs ont également remarqué que les prochains satellites du programme Copernicus ne sont plus forcément listés avec des lanceurs européens. En effet, la constellation de l'Union européenne doit assurer une continuité des services et des mesures, sur un poste (l'observation de la Terre et de son évolution) qui est jugé comme crucial. Or, il ne reste qu'un seul satellite radar Sentinel 1 en activité (l'unité 1A) depuis presque 2 ans, et l'Union souhaite que le satellite complémentaire Sentinel 1C soit envoyé en orbite au plus vite… D'autant qu'il est prêt. Le satellite d'observation visible et multispectral Sentinel 2C est lui aussi sur liste d'attente. Pourront-ils patienter jusqu'à ce qu'Ariane et Vega soient prêtes ?

Falcon 9, le cheval de bataille de SpaceX, va dépasser d'ici peu les 300 décollages. © SpaceX

Tant qu'ils disent oui…

Dans ce contexte européen compliqué, on peut pour l'instant féliciter les partenaires commerciaux et étatiques de l'Europe d'être accommodants. En effet, avec nos yeux d'Européens, on imagine par exemple SpaceX très impatient de récupérer les satellites européens pour les lancer à grand coup de contrats commerciaux.

La réalité est plus contrastée, surtout en 2024 : une majorité des lanceurs annoncés ces dernières années (Ariane 6, Vulcan, New Glenn, Neutron, et beaucoup d'autres) sont et seront en retard et SpaceX est en réalité très sollicité… Alors même que l'entreprise n'a plus toujours d'intérêt à faire passer des contrats commerciaux devant ses tirs de Starlink, puisque le service, selon les responsables de l'entreprise, génère des bénéfices. Derrière la « guerre des coûts » qui a fait les gros titres de la rivalité entre SpaceX et ses concurrents, il y a aussi la raison d'être d'acteurs régionaux : assurer la maîtrise de son accès à l'orbite.

Source : Space News