© Arianespace
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Le grand lanceur européen a tiré sa révérence hier soir, avec un 117e vol et l'éjection de deux satellites, un Français et un Allemand. Mais ce n'était de loin pas son décollage le plus médiatisé. Satellites, sondes interplanétaires, cargos spatiaux, télescopes… Les missions prestigieuses n'ont pas manqué.

Et vous, de laquelle vous vous souviendrez le plus ?

Un lanceur fiable, puissant et apprécié

Avant d'évoquer quelques-unes de ses plus belles campagnes, peut-être faut-il rappeler qu'Ariane 5, avec 27 ans de carrière, a créé beaucoup de polémiques durant ses premières années. Un développement avec des retards importants, des dépassements de budget avec une fusée qui devait être autant adaptée aux satellites qu'à la petite navette Hermès, laquelle n'a jamais vu le jour. Pire, les débuts d'Ariane 5 ne sont pas du tout engageants, avec un échec cuisant le 4 juin 1996 lors du premier vol à cause d'une erreur de programmation, et un échec partiel pour la deuxième tentative, plus d'un an après. Rebelote d'ailleurs en décembre 2002, avec l'introduction de la version Ariane 5 ECA. Les nouveautés, ce n'était pas son point fort. Mais ce n'est pas un hasard si, depuis, elle est célébrée pour sa fiabilité.

Ces 21 dernières années, Ariane 5 n'a subi qu'un échec partiel en 2018, permettant tout de même aux deux satellites de rejoindre leur orbite visée. Capable d'envoyer presque 11 tonnes de charge utile en orbite de transfert géostationnaire, la « fusée aux larges épaules » s'est taillé une excellente réputation auprès des agences gouvernementales tout autour du monde, mais aussi parmi les clients privés. Oui, Ariane 5 était chère. Oui, depuis les années 2010, elle souffre d'une concurrence accrue. Il est temps de la remplacer. Mais pas sans féliciter tous ceux qui ont permis ces succès.

Ariane 5 en préparation pour la mission JUICE. À noter que les deux bâtiments lanceurs (le BIL et le BAF) ne serviront plus désormais © ESA / CNES / Arianespace / CSG / S.Martin
Ariane 5 en préparation pour la mission JUICE. À noter que les deux bâtiments lanceurs (le BIL et le BAF) ne serviront plus désormais © ESA / CNES / Arianespace / CSG / S.Martin

Des missions marquantes pour toutes les orbites

Même si la version Ariane 5 ECA était spécialisée dans les missions « GTO » (orbite de transfert géostationnaire) au service des agences nationales, de la météorologie et des grands noms des télécommunications autour du monde (Intelsat, Eutelsat, Inmarsat, SES, Sky, Embratel, JSAT…), il ne faudrait pas oublier que le fleuron européen a aussi envoyé quelques lourds satellites en orbite basse. C'est le cas de sa version spéciale Ariane 5 ES avec les cargos ATV, qui ont ravitaillé à cinq reprises la Station spatiale internationale entre 2008 et 2014. Une véritable réussite, et presque la seule de ce lanceur pour des orbites proches de la Terre.

On n'oubliera pas les satellites « espions » Hélios français (plus de 4 tonnes sur la balance) qui sont aussi partis avec, en orbite héliosynchrone. Ariane 5, c'est aussi les orbites moyennes MEO (toujours avec la version ES) et les satellites de géopositionnement Galileo. Le lanceur européen a emporté plusieurs groupes de ces 4 satellites à 20 000 kilomètres d'altitude. Et bien que ce ne soient pas ses missions les plus connues, si plus d'un milliard d'appareils utilisent le réseau Galileo aujourd'hui, c'est en partie grâce à Ariane.

De son côté, la version Ariane 5 ECA a permis de nombreux envois doubles, avec le fameux dispositif SYLDA, qui permet de superposer deux satellites l'un sur l'autre au décollage. Le petit dessous, et le plus gros dessus. Et il y en a eu de très imposants ! À la fin de la décennie 2010, Ariane 5 a pu transporter des unités record de presque 6,5 tonnes. Les orbites visées pour les satellites terrestres n'ont pas été très variées, mais pour les missions interplanétaires « taillées sur mesure », Ariane 5 a réussi sans faillir. La Lune, la ceinture d'astéroïdes, Jupiter, Mercure, le point de Lagrange L2 ont été ses destinations les plus exotiques... Elle a même envoyé, en 1998, un prototype de capsule européenne, l'ARD.

Les cargos ATV ont été les plus lourdes charges utiles d'Ariane 5 © NASA

Enfin, il faut signaler qu'Ariane 5 a aussi atterri (bon, en maquette, mais à l'échelle 1 quand même) sur trois sites en France : au Bourget (Paris), à la Cité de l'Espace (Toulouse) et à l'entrée du Centre spatial guyanais.

Les télescopes : non, il n'y avait pas que le James Webb !

Naturellement, c'est LE décollage emblématique de ces dernières années pour Ariane 5. La NASA a fait confiance au lanceur européen, et son télescope géant à 9 milliards de dollars a décollé la veille de Noël 2021 pour s'envoler à 1,5 million de kilomètres de distance, le tout avec une précision atteinte telle que la durée de vie du James Webb s'est vue doublée (20 ans) grâce à l'économie de carburant.

L'histoire est belle, et 18 mois plus tard, la fierté est toujours palpable pour ceux qui ont participé à cette campagne. Mais Ariane 5 a envoyé d'autres merveilles d'étude scientifique en orbite, et ce, dès ses premières années. C'est le cas en 1999 du télescope XMM-Newton, parti étudier les événements les plus énergétiques de l'Univers, qui est toujours en service, 23 ans et demi plus tard.

L'installation très particulière du James Webb sur son Ariane 5 © ESA

Ariane 5 a même eu la pression impressionnante d'envoyer non pas un, mais deux télescopes en même temps, avec, le 14 mai 2009, les télescopes Herschel (infrarouge) et Planck (fond diffus cosmologique). Ces deux-là sont à la retraite, mais le lancement était, une fois de plus, exemplaire.

De Mercure à Jupiter, un lanceur interplanétaire !

Voilà ceux qui remporteront sans doute vos votes pour les lancements préférés d'Ariane 5. Mais saviez-vous qu'elle avait envoyé la petite sonde européenne SMART-1 autour de la Lune en 2003 ? Probablement pas, son décollage a été éclipsé dès 2004 par le lancement de Rosetta, la grande sonde de l'ESA partie examiner la comète 67p « Tchouri » (Churyumov-Gerasimenko). La mission s'était poursuivie jusqu'à 2016.

En octobre 2018, c'est cette fois la sonde BepiColombo qui débute son voyage sous la coiffe d'Ariane 5. Cette dernière, en collaboration avec l'Agence spatiale japonaise, est actuellement en route pour étudier Mercure. Elle survolera la petite planète pour la troisième fois d'ici lundi 10 juillet avant d'entrer en orbite de Mercure en 2025, longtemps après la retraite de son lanceur. Mais celle qui sera le plus tournée vers l'avenir est probablement JUICE, la sonde européenne à destination de Jupiter et de ses lunes gelées. Envoyée en avril dernier avec l'avant-dernière Ariane 5, elle va poursuivre son voyage, puis son étude durant une décennie. Elle verra peut-être même la retraite d'Ariane 6 !

La dernière a prendre la route... c'est elle ! © ESA / CNES / Arianespace / CSG / P.Baudon

Bon alors, dites-nous, c'était lequel, votre lancement préféré ?