La sonde Europa Clipper lors de sa préparation l'année dernière en Californie © NASA / JPL-Caltech
La sonde Europa Clipper lors de sa préparation l'année dernière en Californie © NASA / JPL-Caltech

La mission de la NASA pour étudier en détail la plus connue des lunes glacées de Jupiter devrait décoller en octobre. Problème, une part importante de ses semi-conducteurs n'ont pas réussi à passer le test aux radiations, pourtant indispensable pour qu'Europa Clipper (5 milliards de dollars) puisse survoler Jupiter en toute sécurité.

Europe, ou Europa, est sans conteste la lune de Jupiter la plus connue. Recouverte de glace et reconnaissable grâce à ses « griffures », véritables canyons qui parcourent sa surface quelques dizaines de kilomètres au-dessus d'un gigantesque océan souterrain, Europe intrigue et pose beaucoup de questions scientifiques. C'est pourquoi, grâce à de nouveaux capteurs embarqués, plusieurs agences spatiales s'y intéressent.

L'ESA a envoyé en 2023 sa sonde JUICE consacrée aux quatre lunes gelées de Jupiter, tandis que les États-Unis visent plus spécifiquement Europe avec la mission Europa Clipper, qui devrait survoler 50 fois cette lune de 3 100 kilomètres de diamètre. La sonde, en préparation depuis presque une décennie, est déjà dans sa phase finale de préparation au décollage au Centre spatial Kennedy. Mais depuis le mois de mai, plusieurs équipes d'ingénieurs et chercheurs sont mobilisées autour d'un problème lié à la résistance de l'électronique aux radiations.

Vue d'artiste de la sonde Europa Clipper près de son objectif de mission © NASA
Vue d'artiste de la sonde Europa Clipper près de son objectif de mission © NASA

L'électronique tient-elle la route ?

L'environnement proche de Jupiter est en effet l'un des plus complexes de tout le Système solaire, 20 000 fois plus puissant que le champ magnétique terrestre. Les composants électroniques y sont exposés à d'intenses radiations émanant de la géante gazeuse. Toutes les missions envoyées dans la zone ont donc généralement un « coffre » blindé qui protège la majeure partie de leurs cartes électroniques et leur puissance de calcul. Mais même cette zone particulière doit résister à des expositions qui rendraient inopérants les composants électroniques classiques, il faut donc en utiliser qui soient spécifiquement conçus.

Gros problème, il semble que les transistors MOSFET, commandés à une entreprise particulière (Infineon Technologies), ne soient pas au niveau de performances attendu. Après une suspicion sur des composants défectueux pour un satellite de la défense, les équipes du JPL (Jet Propulsion Laboratory) qui s'occupent d'Europa Clipper ont enquêté sur leurs propres lots de MOSFET. Et il semble bien que ces transistors ne supportent pas non plus l'exposition sur leur matériel.

Le "coffre-fort" électronique d'Europa Clipper (à droite) et son double consacré à l'ingénierie et aux tests au sol derrière l'équipe en salle blanche © NASA / JPL-Caltech

Du retard, une panne ou… de la chance

« Il y a un risque que ces transistors MOSFET ne tolèrent pas le niveau de radiation que requiert la mission », a admis un responsable de la mission pour la NASA, qui a mis en place un panel d'experts chargés d'évaluer les risques. En parallèle, le décollage avec une fusée Falcon Heavy est toujours prévu dans la même fenêtre temporelle, mais la pression est très forte sur les équipes pour lever les doutes.

Pas question en effet pour une mission aux capacités uniques (notamment pour ses capteurs) et aux résultats très attendus de risquer une panne totale ou partielle sans avoir pu réussir quelques dizaines de survols d'Europe. Pour autant, la décision des experts à la fin du mois risque d'avoir d'importantes conséquences. Si des changements d'électronique sont nécessaires, la mission prendra probablement plusieurs années de retard : cela fait déjà 18 mois que le « coffre » électronique d'Europa Clipper est scellé. Cela vaudra toujours mieux que de mettre en péril la mission après des années de trajet…

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Source : Science