Une photographie prise par la sonde lors de son premier survol de Mercure © ESA / JAXA / BepiColombo
Une photographie prise par la sonde lors de son premier survol de Mercure © ESA / JAXA / BepiColombo

Une anomalie détectée au printemps empêche la propulsion de BepiColombo de fonctionner à pleine capacité. La sonde n'aurait pas pu rejoindre Mercure, mais l'ESA a contré le problème en ajustant la trajectoire de son survol de la planète la plus proche du Soleil, ce 4 septembre. La mission scientifique aura bien lieu.

BepiColombo est la seule mission de sa génération vers Mercure. La petite planète est extrêmement difficile à atteindre, car il faut freiner et abaisser son orbite autour du Soleil dans un environnement radiatif complexe, avant de pouvoir même tourner autour de son objectif. Une seule mission qui y était consacrée y est arrivée pour l'instant, la sonde MESSENGER de la NASA, qui s'est terminée en 2015.

Trois ans plus tard en 2018, les efforts de l'Europe et du Japon ont permis de lancer la mission BepiColombo, un assemblage de trois véhicules à destination de Mercure : un module de propulsion (MTM), la sonde japonaise destinée à l'orbite lointaine Mio et la sonde de l'ESA destinée à cartographier Mercure en orbite basse, MPO. Mais envoyer cet ensemble de plus de 4 tonnes au décollage avait un coût. Pour atteindre la planète la plus proche du Soleil, le trajet devait durer 7 ans et comporter 9 assistances gravitationnelles de la Terre, Vénus et Mercure. Un voyage à haut risque !

La sonde BepiColombo est un assemblage. Le module de propulsion (en bas) est le plus imposant © ESA
La sonde BepiColombo est un assemblage. Le module de propulsion (en bas) est le plus imposant © ESA

Un souci de propulsion

Jusqu'à 2024, les 5,5 premières années de trajet se sont déroulées sans encombre. Après un premier survol de la Terre, puis deux passages proches de Vénus en 2020 et 2021, BepiColombo s'est approché de son objectif, avec un premier freinage gravitationnel le 1er octobre 2021.

À 199 kilomètres de la surface, tous les capteurs disponibles (à cause de la configuration du transport, les 3 sondes sont les unes sur les autres, et les instruments les plus sensibles ne seront exposés qu'en orbite) ont pu montrer leurs capacités. Deux autres survols en 2022, puis 2023 ont fonctionné exactement comme prévu.

Mais au printemps dernier, les équipes ont eu une mauvaise surprise : il y a un problème avec l'alimentation électrique des propulseurs du module de transport, le MTM. Depuis, le souci a été bien identifié, c'est un circuit qui répartit le courant disponible grâce aux panneaux solaires qui est en cause. Cette défaillance partielle n'empêche pas BepiColombo de fonctionner et de communiquer, mais ne permet pas à ses quatre propulseurs électriques-ioniques d'atteindre 100 % de leur poussée.

Changement de plan

On pourrait croire que ce n'est pas bien grave, d'ailleurs la mission est arrivée à l'heure pour son 4e rendez-vous avec Mercure, qui a lieu dans la nuit du 4 au 5 septembre (23 h 48, heure de Paris). Mais ce n'est pas si simple, malheureusement.

Pour la dernière phase de son trajet, BepiColombo devait pouvoir compter sur sa propulsion, et il y a trop peu de marge pour qu'il soit à ses derniers rendez-vous à l'heure. Les parcours qui font la part belle aux assistances gravitationnelles ont bien peu de place pour l'erreur, et tout problème de calcul peut mener à une abrupte et amère fin de mission. Rater Mercure, c'est potentiellement prendre plusieurs années de retard, ou ne jamais la revoir.

Les équipes ont opté pour une stratégie intermédiaire, qui permet, si elle fonctionne, de préserver la mission en ne changeant sa trajectoire qu'à la marge. Mais le plus tôt possible… dès le survol de ce 4 septembre.

Un rase-mottes offert

L'ESA a très légèrement incurvé la trajectoire de BepiColombo pour abaisser son survol de Mercure, de 200 à 165 kilomètres seulement au-dessus de la surface, estimant avoir la précision nécessaire pour ce genre de manœuvre (heureusement, il n'y a pas ou très peu d'atmosphère autour de Mercure pour influencer la sonde, on parle d'exosphère, seulement quelques particules de gaz).

Cette modification implique deux autres survols, qui sont désormais prévus le 1er décembre 2024 et le 8 janvier 2025. À ce moment-là, BepiColombo aura pratiquement la même trajectoire autour du Soleil que la petite planète… Mais le rendez-vous ne pourra avoir lieu comme prévu initialement en décembre 2025, il faudra attendre novembre 2026, un retard de 11 mois.

Les premiers survols de Mercure ont déjà apporté quelques vues utilisées par les scientifiques (même si ce ne sont que des caméras consacrées au monitoring des instruments) © ESA / JAXA / BepiColombo

11 mois de croisière en plus, mais une mission identique

Néanmoins, ce retard n'est pas aussi important qu'il y paraît. L'ESA insiste dans son communiqué sur le fait que tous les instruments scientifiques sont pour l'instant pleinement fonctionnels. Retarder l'arrivée autour de Mercure ne pénalisera pas la campagne scientifique, et c'est le plus important !

En novembre 2026, le module de propulsion MTM freinera une dernière fois (cette fois avec des propulseurs chimiques) pour entrer en orbite haute elliptique autour de Mercure. BepiColombo éjectera alors un cache, puis la petite sonde japonaise Mio, avant de décrocher le MPO européen, qui freinera encore pour orbiter à moins de 200 kilomètres d'altitude.

Ses capteurs à haute précision et les mesures in situ apporteront des données inédites et des précisions améliorées d'un facteur 10 par rapport à feu la mission MESSENGER. Ces résultats feront date et sont indispensables pour mieux comprendre Mercure. Il n'y a actuellement aucune autre mission en préparation pour partir étudier la petite planète, BepiColombo sera probablement la seule avant au moins 2035-40.

Source : ESA