Pub en ligne : un bras de fer s'engage entre Apple et les annonceurs © Matthew Nichols1 / Shutterstock
Pub en ligne : un bras de fer s'engage entre Apple et les annonceurs © Matthew Nichols1 / Shutterstock

Dans les dernières versions de son navigateur Safari sur macOS et iOS, Apple a introduit un outil permettant à l'utilisateur de masquer les éléments qu'il juge gênants. Et déjà, les annonceurs publicitaires s'inquiètent.

Apple n'en a pas parlé lors de sa conférence WWDC au mois de juin. Pourtant, le projet était bel et bien en préparation sous un autre nom : Web Eraser. C'est finalement sous la dénomination« Contrôle des distractions » qu'a été intégré le bloqueur de contenus au sein de Safari dans macOS Sequoia et iOS 18.

Qu'est-ce que le contrôle des distractions ?

À l'ouverture d'une nouvelle page sur Safari, plusieurs options sont présentées au sein du menu positionné à gauche de la barre d'adresse. En sélectionnant la fonctionnalité « Masquer les éléments gênants », le dispositif analyse les différents composants HTML de la page web en cours de lecture. L'utilisateur n'a qu'à choisir une section de la page au curseur pour la masquer instantanément. En d'autres termes, l'outil agit un peu à la manière d'un sélecteur de bloqueur de publicités.

L'affaire n'aurait sans doute pas fait autant de bruit si ce bloqueur n'avait concerné que la version bureau de Safari sur macOS, avec ses 9,4 % de part de marché. Mais l'outil a également été déployé sur les iPhone. Avec un taux d'adoption cumulé de 18,22 %, Safari se positionne alors en seconde place derrière Google Chrome. D'emblée, l'affaire prend une autre tournure. Et l'industrie publicitaire serre le poing et… les fesses !

Safari adblocker

Un bras de fer avec les annonceurs

Face à Apple, nous retrouvons Pierre Devoize, directeur général adjoint en charge des affaires publiques de l’Alliance Digitale. Celle-ci est issue du rapprochement entre IAB France et de la Mobile Marketing Association France. L'homme a tenu le mois dernier une conférence pour sonner l'alarme. Comme si, finalement, il avouait à demi-mot que les publicités sur Internet étaient des éléments gênants n'apportant rien d'autre que des distractions aux utilisateurs.

Sur une page web, tous les contenus visibles peuvent être bloqués : les articles, les menus, les barres de cookies, les champs de recherche et, bien sûr, les publicités. Le blocage des consent walls permet à l'utilisateur de consulter un site sans devoir choisir entre payer pour cet accès ou accepter d'être suivi à la trace par les cookies tiers.

Pour M. Devoize, il s'agit ni plus ni moins que de voler du contenu, et Apple en deviendrait complice. Il ajoute que le blocage d'une publicité en apparence ne l'est pas réellement. Celle-ci continue d'être diffusée, car l'adserver n'a pas conscience du blocage de son affichage. L'annonceur paie donc une campagne dans le vide.

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Une première étape de blocage

À sa première utilisation, l'outil Distraction Control prévient : « Le masquage des éléments gênants ne permet pas de supprimer définitivement les annonces et autres contenus régulièrement mis à jour. » Cela semble signifier que les éléments dynamiques ne peuvent être bloqués, comme les encarts publicitaires affichant des bannières en rotation. Et c'est bien le cas, dans nos tests, il suffit de rafraîchir la page pour revoir le précieux encart publicitaire (ouf !).

Mais alors, de quoi se plaint donc M. Devoize ? Eh bien, Apple est allée un peu plus loin avec diverses options d'automatisation. Comme il l'explique dans une interview recueillie par Le Journal du Net, il est en effet possible d'associer un mode de concentration spécifique sur iOS ou macOS, et de le lier à un groupe d'onglets de Safari. Dans ce cas, un élément bloqué sur la page d'un site le sera également sur le reste des pages du même site.

Vers un blocage systématique et personnalisé

Apple n'entendrait pas s'arrêter là, et à la manière de Free, qui avait jadis intégré un bloqueur de pub directement dans le serveur de la Freebox, c'est bien ce qui fait trembler l'industrie de la publicité en ligne.

La firme californienne plancherait sur de nouveaux paramètres pour cet outil en y greffant son Apple Intelligence. Le dispositif proposerait trois niveaux de blocage : faible, moyen et élevé. L'IA d'Apple serait alors en mesure d'analyser elle-même la page et de prédire ce qui dérange l'utilisateur. Mieux encore, cette IA serait capable d'apprendre, et donc d'anticiper les éléments jugés gênants au fil de la navigation.

Pour Apple, il s'agit donc de remettre le pouvoir entre les mains de l'utilisateur, et l'Alliance Digitale déplore le fait que les éditeurs de sites n'aient pas été consultés pour avoir davantage de maîtrise sur cet outil.

Un retour en arrière peu probable

Chez Google, les revenus publicitaires sont bien trop importants pour continuer d'autoriser les bloqueurs de pub au sein du Chrome Web Store. Alors, sous couvert de sécurité, la firme californienne a déprécié Manifest V2 pour introduire Manifest V3, lequel rend la tâche bien plus difficile aux adblockers. Quant à Mozilla, la fondation a été prise la main dans le sac à pister les internautes avec Firefox.

Pour sa part, Apple n'est pas dépendante de la publicité en ligne. Alors, la société de Tim Cook fera-t-elle marche arrière face à la grogne des annonceurs ? Rien n'est moins sûr. Lorsque la société a introduit son App Tracking Transparency, elle permettait aux utilisateurs de choisir si oui ou non, ces derniers souhaitaient être pistés par les applications de son App Store. Malgré les conséquences économiques sur les partenaires de Facebook et de Google, le dispositif est toujours présent.

Précédemment, c'est Steve Jobs lui-même qui espérait voir la mort de Flash Player en soulevant des problèmes de performance et de vulnérabilités. Et c'est bien ce qu'il s'est passé quelques années plus tard, donnant un élan aux technologies du HTML5.

Le marché de la publicité en ligne va-t-il se transformer ? En tout cas, comme toutes les affaires confrontant annonceurs et adblockers, la qualité de ces publicités elles-mêmes, considérées comme des « éléments gênants », n'est bien évidemment jamais remise en cause…

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