Faustine Adan

L’encadrement réglementaire des cryptomonnaies par les institutions gouvernementales est un sujet central dans la mission de Faustine Fleuret, présidente et directrice générale de l'Association pour le développement des actifs numériques. Elle a abordé cette question lors d'une conférence au salon Surfin' Bitcoin afin de faire le point sur les avancements réglementaires liés aux actifs numériques.

A la tête de l'ADAN (Association pour le développement des actifs numériques), Faustine Fleuret doit notamment fédérer l’industrie des crypto-actifs et promouvoir leur développement pour encourager une nouvelle économie numérique. Son association agit comme une passerelle entre l'écosystème financier traditionnel et les Big Techs. Elle est aussi force de proposition, en France et à l'échelle européenne, en matière de régulation sur les cryptomonnaies.

Interview de Faustine Fleuret, présidente et directrice générale de l'ADAN

Clubic : La réglementation liée aux crypto-actifs est plutôt morcelée en Europe. Il n’existe pas encore de cadre unifié et chaque pays a ses propres lois. Est-ce que des mesures structurantes dédiées aux actifs numériques vont naître au niveau européen ?

Bruxelles est effectivement en train de travailler sur un cadre juridique lié à la finance numérique, baptisé « MiCA » (« Markets in Crypto-Assets »), et sur le renforcement des règles européennes en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme par le biais des crypto-actifs. Ces propositions de la Commission européenne viendront harmoniser la réglementation au sein des pays membres. A noter que la Commission s’inspire beaucoup de ce qui a été fait en France, car notre pays a plutôt été précurseur dans ce domaine.

L’explosion des émissions de jetons numériques en 2017 a poussé l’AMF à se saisir du sujet et l'ADAN participe à ces travaux avec les pouvoirs publics. Néanmoins, la mise en place d’une réglementation uniforme en Europe va encore prendre du temps. Je pense qu’elle ne sera pas appliquée avant fin 2022 ou début 2023.

L'un des objectifs de l'ADAN est de réunir des acteurs qui ne se connaissent pas toujours ou évoluent chacun de leur côté dans le domaine des actifs numériques.

L’association rassemble en effet les acteurs français et étrangers qui développent ces services pour le public français. Il y a dix membres cofondateurs (dont Ledger, Coinhouse, Kaiko et Woorton) et plus de 70
adhérents - dont certains étrangers comme Bitpanda, Chainalysis ou
Scorechain. Ils viennent tous nous voir car ils ont besoin d’être représentés auprès des autorités et du système financier traditionnel.

Or, si le dialogue est simple et relativement fluide avec les autorités gouvernementales, il est plus complexe avec les organismes bancaires. A titre d’exemple, la Fédération française bancaire s’est désolidarisée d'un rapport attestant des conclusions d’un groupe de travail qui réunissait les régulateurs, Bercy, les entreprises de crypto-actifs et les banques elles-mêmes. L’objectif était de comprendre et résoudre les difficultés d’accès aux comptes bancaires des prestataires de services sur actifs numériques afin de permettre aux entreprises d’ouvrir des comptes auprès de ces établissements, ce qui est presque impossible aujourd’hui. Mais les négociations ont échoué.

La loi Pacte a pourtant instauré un droit au compte pour ces prestataires
supervisés par les autorités françaises. Mais les banques traditionnelles
voient toujours le marché d’un mauvais œil, comme un potentiel concurrent.

Elles estiment aussi que les cryptomonnaies sont des actifs risqués et qu’ils peuvent servir à financer des actes illicites.

En effet, leur argument est de dire que les transactions en crypto-actifs peuvent favoriser les activités illicites comme le blanchiment de capitaux ou le financement du terrorisme. En 2017, nous pouvions raisonner ainsi, mais avec la règlementation et la structuration des marchés, et comme de récentes études prouvent, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Cette excuse n’est donc plus valable.

Notre pays est le plus avancé en Europe en termes de réglementation de crypto-actifs. Le législateur a très tôt permis au marché de se structurer et de s’assainir. C’est donc plus compliqué pour les fraudeurs, et le bitcoin n’a plus à subir la mauvaise réputation qu’il avait auparavant.

Si les institutions financières traditionnelles s'en détournent, les particuliers et les entreprises françaises s’intéressent, eux, de plus en plus aux crypto-monnaies.

Ledger, présente au salon, est une belle success-story française qui a une très belle aura internationale. L’intérêt pour les crypto-actifs se généralise aussi après des grands groupes industriels, et cette tendance de fond peut amener à faire bouger les choses du côté de la finance traditionnelle.

La partie se jouera aussi du côté de la future réglementation européenne. Actuellement très morcelée, sa mise en application dans les mois à venir permettra d’avoir un marché unique européen des crypto-actifs qui donnera, je l’espère, une impulsion décisive au secteur.