Panasonic est désormais davantage un fournisseur de composants et équipements pour les secteurs de l'automobile et de l'immobilier, une transition qui lui a été salvatrice, puisque la rentabilité de l'électronique grand public est désormais difficile à trouver.
Plus surprenante encore est cependant la présence dans le domaine agricole de celui qu'on a longtemps appelé "l'éternel rival de Sony". "Cela ne date pourtant pas d'hier", affirme un dirigeant du groupe qui précise que Panasonic "n'a pas attendu que le gouvernement nippon offre des subventions pour aider les cultivateurs". Le géant d'Osaka a fabriqué dès 1968 des ustensiles électriques pour éloigner les insectes près des plantations.
Aujourd'hui, Panasonic se présente carrément comme un producteur de laitues, avec une usine dédiée dans la région de Fukushima (où les autorités incitent les entrepreneurs à revenir pour aider la province désertée après l'accident nucléaire).
"Panasonic possède à lui-seul toutes les technologies nécessaires pour les usines à légumes", indique le responsable de cette activité. Panasonic a en outre un savoir-faire dans le domaine de la conception et de l'exploitation de sites exigeants qui se trouve ici mis à profit. Il n'est cependant pas le seul dans ce cas puisque ses compatriotes Fujitsu et Toshiba ont aussi reconverti des espaces de façonnage de puces électroniques en usines à salades.
Une usine à légumes est en effet un espace totalement aseptisé et hermétique (comme une salle blanche de site de fabrication de semi-conducteurs) ou sont produits hors sol des salades le plus souvent. "Il est en fait techniquement possible de tout produire: pas seulement des légumes à feuilles", selon le spécialiste de Panasonic qui lui même porte un nom végétal (Matsuba = pin et feuille).
"Les trois plus grands avantages de ces lieux sont: le rendement, la stabilité, la sécurité", insiste l'expert de Panasonic. Il est ainsi possible de cultiver des produits de qualité absolument identique à n'importe quel endroit du pays.
Toutefois, ce secteur n'est pour le moment pas florissant. Quelque 80% à 90% des usines à légumes sont déficitaires parce que souvent conçues et gérées par des entreprises qui n'ont pas les techniques requises pour assurer une production suffisante à des coûts non prohibitifs.
Panasonic pétend de son côté parvenir à un taux de réussite des plants de 95% ("sans doute le niveau le plus élevé au monde") avec des coûts équipements nettement réduits.
Cette forme de culture sur laquelle mise en partie le Japon pour élever son autonomie alimentaire (dont le taux est actuellement inférieur à 40%) est parfois appelée "mouse clic saibai ", "la culture par clics de souris", parce qu'il est pas nécessaire d'être un professionnel spécialement formé pour exploiter ces usines. Panasonic offre un support en ligne en utilisant des "wearable caméras professionnelles qui permettent à un spécialiste de voir à distance l'état des salades qui sont sous les yeux de l'exploitant".
En apparence, c'est simple, une fois installé, moyennant quand même un investissement minimum de 200 millions de yens (1,5 million d'euros) pour une usine qui produira 2000 salades par jour.
La simplicité finale masque néanmoins une foultitude de problèmes techniques en amont que Panasonic affirme avoir résolu.
L'un des plus ennuyeux est par exemple qu'il existe une différence de température de 4 à 6 degrés entre les étagères du haut et celles du bas, ce qui conduit à une croissance très différentes des pieds de salade. Mais Panasonic a trouvé une solution pour homogénéniser.
Par ailleurs la firme a montré qu'avec des LED rouges et bleues, il est possible de créer de meilleures salades, en diminuant la consommation d'énergie et en utilisant vraiment que le spectre lumineux utile. "On peut contrôler le goût autant que l'on veut ".
L'usine à salades de Panasonic à Fukushima comporte 15 rangées d'étages de 5 m de haut sur 15 m de long. On y produit 2000 salades par jour. l'exploitation est réalisée par huit personnes, mais Panasonic prépare l'automatisation de toutes les phases de la culture.
Du point de vue du consommateur, les salades produites ainsi présentent en théorie des avantages indéniables: pas besoin de les laver, pas beaucoup de déchets, un approvisionnement régulier, une qualité stable (taille, goût, apparence) tout comme le prix, sans variations saisonnières.
"Il est en outre possible de créer des salades qui comportent des caractéristiques particulières, en terme de goût ou de propriétés nutritionnelles. Nous avons par exemple pu créer une variété très sucrée que les enfants mangeraient assurément avec gourmandise" ainsi que des laitues à faible taux de potassium, se vante le responsable de Panasonic.
Le plus difficile est de trouver des magasins qui veulent bien vendre les produits issus de ce type d'usines. Actuellement, les laitues romaines de Panasonic sont proposées dans environ 130 supermarchés de Fukushima.
Le groupe se dit par ailleurs en discussions avec divers acteurs du monde de la distribution.