Vous ne les connaissez peut-être pas, mais dans le monde du jeu de stratégie, les développeurs d'Eugen Systems sont loin d'être des débutants. Nous avons déjà cité Act of War, il nous faut également évoquer le cas plus grand public de RUSE ou encore le perfectionniste Wargame et ses différentes suites. Avec Act of Aggression, ils opèrent un retour aux sources et signent un hommage appuyé aux grands classiques du STR.
Côté scénario, Act of Aggression nous projette dix ans dans le futur, en 2025. Le monde est déchiré par un gigantesque conflit opposant trois « factions » internationales. Nous retrouvons tout d'abord le Cartel, puissante organisation terroriste dotée d'un armement de pointe axé sur la furtivité de ses unités. Pour affronter cette menace, les Nations Unies ont formé la Chimère, en quelque sorte le bras armé de l'ONU. Enfin, si l'armée américaine a perdu son statut de gendarme du monde, elle reste une force avec laquelle il faut compter.
« L'Âge d'or du RTS est de retour »
Trois factions que les développeurs d'Eugen Systems ont choisi de mettre en scène au travers d'une double campagne solo. Cette campagne regroupe quinze missions de difficulté et d'intensité progressives entrecoupées de multiples scènes cinématiques rappelant les flashs d'actualité des grandes chaines d'information américaines. La campagne nous propose d'abord d'endosser l'uniforme du général en chef des forces de la Chimère : l'ordre mondial menace de s'effondrer et il est impératif de prendre les choses à bras-le-corps.Dès lors que la première mission s'engage, on prend la pleine mesure de ce que voulait dire Eugen Systems en parlant d'hommage. Tous les mécanismes, tous les éléments de jeu rappellent les heures de gloire du STR à la mode Command & Conquer. Sur la carte sont disposées des ressources qu'il faut récupérer pour être en mesure de développer sa base. Ensuite seulement, de nouvelles unités et des troupes toujours plus puissantes pourront être engagées afin de mettre en déroute le, ou les, adversaires présents.
Des missions qui manquent de saveur
Si on se prend rapidement au jeu et que l'on apprend à maîtriser une à une les différentes techniques, les différentes stratégies, il faut aussi se rendre à l'évidence : Act of Aggression perd un peu le fil de son scénario et les objectifs de chaque mission prennent le pas sur les enjeux de la campagne. Passée la découverte, celle-ci n'implique plus suffisamment le joueur qui a tôt fait de la prendre pour ce qu'elle est vraiment : une sorte de didacticiel géant destiné à préparer les amateurs au mode multijoueur. Ce défaut n'est pas vraiment une surprise puisqu'en dehors des titres Blizzard, c'est un reproche que l'on pouvait faire à de nombreux STR de « la grande époque ».Eugen Systems aurait peut-être dû embrasser plus totalement encore le kitsch des Command & Conquer en proposant des séquences filmées avec acteurs comme pouvait le faire Westwood Studios. Autre reproche, si la campagne solo offre bien deux façons de voir les choses - avec les mêmes missions côté Chimère et côté Cartel - on aurait aimé davantage de renouvellement avec deux histoires distinctes. Enfin, alors que l'on s'attendait à une véritable troisième faction, l'armée américaine fait dans la figuration... au moins pour la partie solo du jeu.
Un régal de multijoueur
Dès lors que l'on s'oriente vers la partie multijoueur d'Act of Aggression, les choses prennent heureusement une tournure bien différente, autrement plus positive. On sent d'entrée que les affrontements entre joueurs humains constituent la véritable valeur ajoutée du jeu, la partie sur laquelle se sont concentrées toutes les attentions des développeurs. Nous pouvons ainsi compter sur 20 cartes très variées pour des affrontements autorisant jusqu'à 8 joueurs et toutes les configurations possibles.Chacun des joueurs ayant rejoint la partie peut opter pour l'une des trois factions décrites précédemment. Chacune dispose bien sûr de ses forces et de ses faiblesses, mais la justesse du jeu réside dans le remarquable équilibre d'ensemble. Un équilibre qui repose bien sûr sur le sacro-saint « pierre/ feuille / ciseaux » afin que chaque unité soit à son avantage contre une autre et en mauvaise posture contre une autre. Associé à la variété des forces en présence, ce « chifoumi » fonctionne à merveille.
Facile à prendre en main, délicat à maîtriser
De manière générale, les joueurs débuteront le mode multi en prenant le contrôle des forces américaines, sans doute les plus classiques et les plus simples à appréhender. Ensuite, les troupes de la Chimère nécessitent un peu plus de pratique et c'est sans hésiter le Cartel qui est le plus complexe à contrôler. En revanche, peu importe la faction pour laquelle vous allez opter, Act of Aggression se maîtrise petit à petit, à force d'heures passées sur les cartes multijoueur. En ce sens, il renoue parfaitement avec les classiques du jeu de stratégie qui, pour les meilleurs, se résumaient par cette maxime anglaise : « easy to learn, hard to master », facile à prendre en main, délicat à maîtriser.Les unités sont relativement nombreuses, mais les habitués du précédent jeu d'Eugen Systems - Wargame - ne seront pas impressionnés. Non, tout l'intérêt d'Act of Aggression réside dans la présence de multiples améliorations, dans le besoin de micro-gérer efficacement ses troupes. Sur ce point, les habitués de STR plus récents pourraient y trouver à redire, mais dans le feu de l'action, cela ne nous a pas dérangé le moins du monde. Au contraire, nous avons été convaincus par le rythme des parties, la nervosité des affrontements et la satisfaction immédiate après la destruction d'une raffinerie adverse ou la mise en échec d'une contre-attaque préparée de longue date.
Basé sur le moteur graphique maison d'Eugen Systems - l'IRISZOOM - Act of Aggression aura du mal à prétendre au titre de plus beau jeu du moment. Il faut effectivement reconnaître un côté vieillissant à l'esthétique du jeu, et ce, que l'on évoque les décors ou les unités. Pour autant, il ne faudrait pas intenter un procès d'intention au studio français qui maîtrise son outil à merveille. Du coup, à défaut d'être une merveille graphique - il reste plus que convenable -, le STR conserve une réactivité à toute épreuve et, dans le feu de l'action, c'est bien là l'essentiel. Véritable reproche cette fois : pas la moindre voix française (version anglaise sous-titrée au mieux) pour un jeu hexagonal, ça fait un peu tache !