Après treize ans passés à la tête de Microsoft, Steve Ballmer abandonnera ses fonctions « dans les prochains mois ». À ce stade, les modalités exactes de son départ n'ont pas encore été dévoilées, essentiellement parce que l'épineuse question de sa succession n'a pas encore été réglée.
John Thomson, membre du conseil d'administration de l'éditeur, a confirmé vendredi à ZDnet que le processus de sélection a bien été engagé avec le soutien d'un cabinet extérieur (Heidrick and Struggles). « Nous sommes bien sur la voie de la recherche et nous espérons que nous aurons un nouveau leader dans un laps de temps raisonnable », indique-t-il. Reste à voir si Microsoft choisira de piocher son nouveau CEO parmi ses forces vives ou de se tourner vers l'extérieur.
Au risque de donner dans le truisme facile, on peut poser que succéder à Steve Ballmer n'aura rien d'une sinécure. Comparé aux autres grands noms américains du logiciel, Microsoft est une société singulière, la seule à proposer un portefeuille de produits aussi largement varié, adressé aussi bien au grand public qu'aux entreprises. Le départ de Ballmer interviendra en outre quelques mois seulement après que l'intéressé a engagé une réorganisation sans précédent, visant à structurer l'activité autour de divisions fonctionnelles plutôt que sur la base d'unités d'affaires dévolues à un produit précis. S'il souscrit à cette logique, le futur directeur général devra, parmi ses premières missions, s'assurer de mener à bien cette transformation.
La piste de la promotion interne
Dès lors, ne serait-il pas judicieux de choisir quelqu'un déjà bien au fait des rouages internes ? De l'autre côté de l'Atlantique, deux candidats semblent semblent se distinguer dans les analyses de la presse spécialisée. Le premier n'est autre que Tony Bates, aujourd'hui vice président en charge du business development, à qui incombe également la définition de la stratégie d'entreprise de Microsoft. Ancien CEO de Skype, il dispose aussi bien du bagage technique que d'une expérience significative en tant que chef d'entreprise.
Le second serait Satya Nadella, vice président en charge des produits cloud et entreprise, chargé par Steve Ballmer de délivrer la vision « Cloud OS » de l'éditeur. Ancien responsable de la division Serveur, il est également passé par les services en ligne, ainsi que par la division, cruciale, en charge du développement d'Office. Il est en revanche peu connu du grand public et des marchés.
Dans l'organigramme se pose également la candidature de Kevin Turner, l'actuel directeur opérationnel de la société. Un exécutant dont les qualités font a priori l'unanimité, mais qui a sans doute passé trop de temps à appliquer les directives de Steve Ballmer pour incarner son successeur. Il parait en revanche tout à fait approprié pour assurer la transition.
Toujours en interne, on pourrait aussi imaginer que le conseil d'administration décide de faire remonter l'une de ses pointures, quelqu'un qui serait peut-être moins rompu aux aspects business mais dont la personnalité serait fédératrice. On se dit par exemple que confier les rênes à un Scott Guthrie constituerait un message fort adressé aux développeurs, même si l'on n'y croit pas vraiment. D'aucuns imaginent par ailleurs que Microsoft pourrait rappeler Steven Sinofsky, l'ancien responsable de la division Windows parti vers d'autres cieux, mais l'hypothèse parait là encore peu plausible, l'homme n'étant que très diversement apprécié en interne.
Parmi les vice-présidents, deux femmes disposent sans doute de l'expérience nécessaire à la succession. Julie Larson-Green a collaboré au développement des principales marques de la maison pendant ses vingt ans de maison, tandis que Tami Reller dispose d'un bagage conséquent sur les fonctions transverses, passée aussi bien à la direction financière qu'au marketing qu'elle dirige aujourd'hui.
Un peu de sang neuf ?
Si raisonnables soient-elles, ces pistes internes manquent toutefois sacrément de piquant. « Il faut un Larry Ellison », plaisantait, chez nous, Guillaume en conférence de rédaction. On l'imagine bien sûr assez mal abandonner Oracle, mais on admet sans difficulté que Microsoft a besoin d'un leader charismatique, capable de définir - ou à défaut de promouvoir, la vision stratégique de l'entreprise.
Alors quid d'un recrutement externe ? Depuis vendredi, on voit circuler le nom de Stephen Elop, parti de Microsoft pour tenter de redresser un Nokia en grandes difficultés. Le canadien connaît l'entreprise et sait prendre des décisions complexes, mais ne fait pas franchement rêver.
Egalement avancé : le profil de Kevin Johnson, qui a l'avantage d'être immédiatement disponible, puisqu'il vient de quitter la direction de l'équipementier Juniper. Lui aussi est un ancien de Microsoft, qui trouverait donc sans doute quelques appuis en interne s'il souhaitait revenir. Il en irait de même pour Paul Maritz, ancien patron de VMWare, dont le compteur affiche seize années de service à Redmond. Des choix toujours très raisonnables, qui comparés à la piste du recrutement interne, présentent l'intérêt d'introduire un peu de neuf dans la culture d'entreprise locale.
Comme dernière option (non, Bill Gates n'en est pas une), on pourrait également avancer, sans trop y croire toutefois, le choix d'un profil « 100% Web », venu non pas du logiciel ou de l'infrastructure mais d'un acteur comme Google, Facebook ou Yahoo!. Le talent serait sans doute au rendez-vous, mais la rupture risquerait d'en effrayer plus d'un, et l'investisseur est un animal qu'il convient de ne pas trop malmener si l'on veut garder ses faveurs.
En attendant que Microsoft tranche ce noeud gordien, qui souhaiterions-nous voir remplacer Steve Developers Ballmer ? Olivier piocherait chez Salesforce.com un Marc Benioff rompu aux décisions, un temps plus jeune vice président d'Oracle, aujourd'hui à la tête d'un des leaders du Software as a service. Julien convoquerait quant à lui Pat Gelsinger, cet ancien d'Intel qui préside aujourd'hui VMWare, notamment parce qu'il a « la trempe et le charisme nécessaires », en plus d'un fort bagage technique. Quel qu'il soit, l'impétrant aura effectivement besoin de ces qualités... parmi bien d'autres !
- Sur le sujet, voir aussi Edito : Microsoft, le bal amer.