Critique Harley Quinn : une émancipation sanglante et jouissive

Antoine Roche
Publié le 07 mars 2020 à 15h15
Harley Quinn 2

En plus d'être drôle et irrévérencieuse, Harley Quinn est une série d'animation qui dénonce, à grands coups de masse dans la gueule si nécessaire. Et c'est tant mieux.

Dans un contexte où l'offre en matière de séries n'a jamais été aussi pléthorique, le Veilleur d'écran[s] se propose d'être votre guide à travers les saisons. Qu'il s'agisse d'une ancienne série aujourd'hui culte, d'un carton récent ou d'un show plus anonyme, cette chronique vous aidera à ne perdre votre temps qu'en bonne compagnie.

Accompagnez la lecture de cet article avec la musique de la série :


Docteur Harley Quinn, femme arlequin

Plus les années passent, et plus je pense que les séries TV récentes utilisant le vaste univers DC Comics se divisent en deux catégories (non, pas celles avec un pistolet chargé et celles qui creusent... Quoique).

La première regroupe celles qui se prennent au sérieux et n'inventent pas grand-chose, oscillant la plupart du temps entre le passable et le mauvais, malgré quelques rares sursauts de qualité (j'y range la majorité des séries de l'Arrowverse, Titans, Gotham, Pennyworth, Krypton, etc.). La seconde intègre les séries un peu plus décontractées et/ou qui prennent des risques et qui, la plupart du temps, me plaisent beaucoup plus (Watchmen, Doom Patrol, Lucifer, Legends of Tomorrow...etc.). Le show dont nous allons parler aujourd'hui s'inscrit, vous l'aurez je pense compris, dans cette dernière.

Harley Quinn 3

Je n'attendais pourtant pas grand-chose de Harley Quinn, le trailer m'ayant laissé un goût prononcé de « meh ». Et pourtant, me voilà en train de rédiger une chronique, alors que le dernier des 13 épisodes de la saison 1 vient seulement d'être diffusé sur DC Universe. Mais si, vous savez, la plateforme de streaming de DC indisponible chez nous. Voilà d'ailleurs peut-être le principal inconvénient de la série, qu'il me semble important de clarifier tout de suite : aucun diffuseur ne la propose pour le moment en France.


Espérons que cela change rapidement étant donné son succès, d'autant plus qu'une saison 2 débarquera dès le 3 avril prochain aux Etats-Unis. Oui, c'est rapide, mais cela s'explique par le fait qu'à l'origine, la saison 1 devait compter 26 épisodes, avant que la production ne décide finalement de la couper en deux.

Libérée, délivrée *insérez ici le rire du Joker*

Un peu à la manière du film Birds of Prey actuellement en salles, Harley Quinn suit, comme son nom l'indique, la célèbre compagne du Joker, avec qui elle vient d'ailleurs de rompre après des années d'une relation abusive et à sens unique. Désormais libérée de l'influence plus qu'envahissante du célèbre ennemi juré de Batman, notre héroïne peut enfin faire ce qu'elle souhaite et vivre sa propre vie, éloignée autant que possible de son image publique de « petite amie du Joker ».

Harley Quinn 1

Ambitieuse dans sa volonté de faire le mal et de rejoindre la « Legion of Doom » (l'équivalent inverse de la Justice League) par ses propres moyens, elle va alors s'associer à plusieurs vilains de seconde zone et monter une équipe. Elle sera également épaulée par sa BFF de toujours, Poison Ivy, et je pense qu'il est inutile de vous en dire plus concernant le scénario. Sachez juste que celui-ci est surprenant à maintes reprises, bien pensé et rythmé, et qu'il sert deux objectifs principaux.

« Harley Quinn est une série qui montre l'univers de Batman autrement et c'est un véritable bol d'air »



Le premier : faire rire, tout simplement. Et Harley Quinn y parvient très régulièrement avec un humour décalé, imprévisible, parfois puéril mais surtout cinglant et efficace (le genre d'humour qui me fait pousser des « mais qu'est-ce que c'est con ! » satisfaits, devant ma TV). Pour soigner cette irrévérence, la série s'attache à ne prendre aucun gant : elle est vulgaire, violente et graphique à souhait (l'animation est d'ailleurs réussie, à défaut d'être véritablement marquante). Ce n'est donc clairement pas une série pour les enfants, et j'ai même régulièrement ponctué mon visionnage de « ow » choqués (mais divertis, je vous rassure). Malgré tout, et bien heureusement, Harley Quinn évite de tomber dans le piège de la surenchère lourdingue.


Aussi, ses dialogues et ses blagues tombent régulièrement juste et c'est un véritable plaisir de voir les plus célèbres personnages de l'univers de Batman, gentils comme vilains, en prendre pour leur grade. À titre d'exemples, Bane est ici un abruti fini, Clayface aimerait être un acteur quand tout le monde rêve qu'il se taise, Psycho est un misogyne détesté, et Gordon est ostensiblement en burn out, tandis qu'il entretient une relation à sens unique gênante avec Batman. Harley Quinn est donc une série qui montre l'univers de Batman autrement et c'est un véritable bol d'air.

Cette réussite du côté de l'humour est d'ailleurs permise par le casting vocal, qui fait un excellent travail. On saluera notamment les performances de Kaley Cuoco et Lake Bell derrière les personnages de Harley et Ivy, celle d'Alan Tudyk qui arrive à égaler Mark Hamill dans la peau pourtant délicate à porter du Joker, ou encore de J. B. Smoove qui incarne Frank, une hilarante plante carnivore.

Un coup de batte dans les co...nventions

L'autre objectif du scénario de Harley Quinn est de dénoncer - avec une certaine justesse - deux choses qui touchent aussi bien le monde des super vilains que celui, réel, des gens ordinaires : le patriarcat et les relations toxiques. La volonté de Harley de se libérer des chaînes imposées par le Joker, et de la condescendance d'autres personnages masculins, est une leçon d'émancipation aussi jouissive que malheureusement encore nécessaire en 2020.


Certes l'objectif principal de la série est de faire rire le spectateur, mais elle n'en oublie pas pour autant de développer un message de fond dans un univers (Gotham ou le nôtre) où les femmes sont toujours majoritairement au second plan, quand elles ne sont pas carrément muselées et exploitées par des hommes nocifs et manipulateurs, à l'image exacerbée du Joker.

Harley Quinn 4

J'ai aussi beaucoup apprécié la richesse du personnage de Poison Ivy qui, en plus d'essayer d'aider Harley, lutte elle-même contre d'autres problèmes personnels. Elle bataille notamment avec l'image qu'ont les autres d'elle, matraquant qu'elle n'est pas une super vilaine mais juste écologiste, et son attitude en fait le personnage le plus attachant de la série.

Alors Harley Quinn n'a peut-être pas un impact aussi massif que d'autres séries féministes comme The Handmaid's Tale, pour ne citer qu'elle, mais elle fait sa part du travail à son échelle, tout en proposant un véritable divertissement frais et irrévérencieux. Bref, on en redemande !



Cette série est pour vous si :

- Vous voulez rire et voir l'univers de Batman autrement
- L'émancipation de Harley Quinn est un sujet qui vous intéresse
- Vous recherchez une série courte avec du punch

Cette série n'est pas pour vous si :

- Vous n'aimez pas l'univers DC, même sous l'angle de la comédie
- L'animation ce n'est vraiment pas votre truc
- Vous êtes un homme de 1900 qui ne supporte pas l'idée d'une femme libre



Comme dit en introduction, Harley Quinn est malheureusement indisponible aujourd'hui en France, et il faudra se tourner vers votre cousin américain pour récupérer les VHS...

Antoine Roche
Par Antoine Roche

Journaliste spé culture pop (séries/ciné/JV), technologie (SVoD, OS, apps…) et jeux de mots douteux. Pas forcément dans cet ordre.

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Commentaires (7)
atahonfl

« - Vous êtes un homme de 1900 qui ne supporte pas l’idée d’une femme libre »… No comment.
.

wannted

Vous êtes un homme de 1900 qui ne supporte pas l’idée d’une femme libre

J’ai pas compris le délire avec Harley Quinn. Je l’ai toujours vu comme l’acolyte du Joker l’equivalent de Robin avec Batman depuis que je suis gamin.

Donc si on casse cette relation cela en fait forcement quelque chose de « féministe » ?

Avec son équipe Titans, Robin n’est plus avec Batman mais avec sa propre équipe (et je trouve ça dommage d’ailleurs) et on en fait pas des caisses.

aGa

Alors déjà dans Titans (la série en tout cas) Robin se sépare de Batman parce que justement il en a marre de devoir subir ses ordres et humeurs, et sans aller jusqu’à en faire des caisses c’est quand même bien appuyé.

Concernant Harley Quinn, dans la série (et d’autres œuvres où elle apparait il me semble) c’est certes la partenaire du Joker, mais elle ne fait que subir sans vraiment s’en rendre compte ses ordres et il se sert d’elle sans vergogne et le moindre respect pour elle ou sa sécurité. Du coup, quand elle fini par s’en rendre compte c’est beaucoup plus fort et important que pour le cas de Robin (car elle n’est clairement pas la seule femme dans ce cas de relation abusive).

wannted

il se sert d’elle sans vergogne et le moindre respect pour elle ou sa sécurité

Je crois qu’il ne faut pas oublier qu’à la base le Joker est totalement fou.

aGa

Je ne suis pas certain que ce soit une excuse valable. D’autant qu’il n’est clairement pas le seul fou dans Gotham et pourtant il n’y a (presque) que lui qui se comporte comme ça.

RaoulTropCool

Aussi stupide que « Si t’es pas avec nous, t’es contre nous ». L’obligation d’adhérer à 100% au média contenant une idée exprimée sinon t’es insulté et rabaissé ^^

Popoulo

« Donc si on casse cette relation cela en fait forcement quelque chose de « féministe » ? » oui car dans dégénérescence de notre société , si ce n’est pas du féminisme, c’est du racisme. Mais bon, vu qu’elle n’est pas de couleur, il reste que la 1ere option.

Pour le « - Vous êtes un homme de 1900 qui ne supporte pas l’idée d’une femme libre » faut consulter.

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