À l'abri dans les locaux d'Airbus Defence and Space à Toulouse, les équipes préparent les futurs satellites météorologiques européens MetOp-SG. De véritables bijoux ! Nous sommes allés rencontrer Herve Marcille, project manager du satellite, qui nous a fait faire le tour de cette impressionnante machine et de ses instruments.
« Vous avez de la chance », nous explique Herve Marcille en marchant le long de cet énorme satellite. Très proche de sa configuration de vol, il mesure environ 6,5 mètres de long et 3 mètres de côté, et pèse 4,2 tonnes. Des dimensions qui flirtent avec celles des plus grands satellites de télécommunication, à l'assemblage dans un autre hall à quelques dizaines de mètres de là.
Nous sommes à Toulouse dans le complexe Astrolabe d'Airbus Defence & Space, et en ce jeudi de septembre, nous sommes venus rendre visite à MetOp-SG A 1. Il est seul, basculé à l'horizontale dans une alcôve de cette tortueuse cathédrale technologique formée par les locaux. Et si nous avons de la chance, c'est parce que nous pouvons voir MetOp-SG A avec tous ses instruments scientifiques. À part pour ses protections thermiques et ses panneaux solaires, c'est ainsi qu'il partira pour l'espace !
L'Europe à la pointe de la météorologie
Notre continent dispose d'une entité multinationale qui est l'une des plus respectées au monde pour son expertise unique et ses données : Eumetsat. Depuis plus de 40 ans, cette dernière transmet ses images aux centres météorologiques du monde entier, et pas seulement à ses 30 pays membres. Elle peut le faire grâce à de grands centres au sol, mais surtout grâce à deux systèmes satellites différents et complémentaires.
Le premier est celui des satellites en orbite géostationnaire. Il y en a trois actifs (ce sont les MSG, Meteosat Second Generation), qui sont vieillissants, et ils sont progressivement remplacés par les unités MTG (Meteosat Third Generation), qui seront deux groupes de 3 avec des capacités différentes. Le deuxième système satellite repose de son côté sur l'orbite basse, on les appelle les MetOp. Et là aussi, la génération actuelle est vieillissante et doit être remplacée. Eumetsat a donc fait appel à l'ESA, qui a nommé Airbus DS maître d'œuvre pour les satellites MetOp-SG (Second Generation).
Un tout premier MetOp-SG
Il y aura 6 satellites MetOp-SG en tout, qui sont répartis eux aussi en deux familles à cause de leurs instruments un peu différents, mais qui sont conçus sur la même base. Celui que nous sommes venus voir à Toulouse est le tout premier, le MetOp-SG A numéro 1.
Herve Marcille précise : « Comme il sort d'un long test en chambre à vide, il dispose de toute la panoplie de ses instruments. C'est une aubaine, parce que d'ici quelques semaines, trois d'entre eux seront démontés et renvoyés à leurs entités respectives. L'un subira des essais complémentaires de niveau instrument avant d'être remonté, et deux autres sont des modèles d'ingénierie, ils sont identiques à ceux qui partiront pour l'espace, mais ce ne sont pas des modèles de vol. Ces derniers nous seront envoyés l'an prochain, puis seront intégrés et testés une dernière fois avant le départ pour la Guyane. » Malgré leur taille, certains instruments sont peu visibles, car dans la configuration de notre visite, ils sont tournés vers le plafond, le satellite est donc « sur le dos ».
Un satellite fort en instruments
Le plus gros d'entre eux est tout de même remarquable. Tout à l'avant de MetOp-SG A, il s'agit de IASI-NG. Cet énorme instrument est déjà emballé dans ses couvertures thermiques (MLI) dorées. Il mesure plus de 2 mètres de long, est fourni par le CNES et assemblé par Airbus DS.
IASI-NG (Interféromètre atmosphérique de sondage dans l'infrarouge de nouvelle génération) est un sondeur atmosphérique, un instrument qui établit les profils de température et d'humidité à travers toute l'atmosphère, y compris les nuages, sur une bande de 2 000 kilomètres de large sous le satellite.
Derrière IASI-NG, les autres instruments sont alignés comme à la parade : l'imageur MET-image, qui va photographier la Terre en visible et en infrarouge sur plusieurs bandes de fréquence, l'instrument micro-ondes NWS (spécialisé dans les profils de température et d'humidité atmosphériques avec une autre technique que IASI-NG) et le radiomètre 3MI (Multi-viewing, Multi-channel, Multi-polarization Imager), qui observera les aérosols et la composition chimique de l'atmosphère survolée.
On retrouve également Sentinel-5, l'instrument de l'Union européenne (programme Copernicus), qui va mesurer les concentrations de particules et de polluants tels que l'ozone, le méthane, les oxydes de soufre, etc.
Il y a encore l'instrument RO, plus discret, mais que Herve Marcille ne manque pas de nous montrer. Instrument météorologique à part entière, il s'agit pourtant d'un ensemble de détecteurs de signaux de positionnement GPS. Trois antennes équipées de récepteurs multiples de très haute qualité sont installées sur le satellite et vont capter les signaux des satellites de géopositionnement (GPS, mais aussi Galileo, Beidou et Glonass) lorsqu'ils passent juste au-dessus de l'horizon terrestre.
En étant perturbés par leur traversée de l'atmosphère, ces derniers transmettent aux équipes scientifiques une information sur le profil d'humidité de la couche d'atmosphère traversée. Enfin, il y a d'autres éléments encore plus petits, comme les capteurs de radiations RMU, qui mesurent l'environnement à plus de 800 kilomètres en orbite basse.
Plusieurs couches de protection
Sur le satellite, certains instruments sont emballés dans une protection en plastique supplémentaire, d'autres non. « En réalité, nous avons plusieurs dispositions uniques à MetOp-SG, destinées à la maîtrise de la propreté de cette salle blanche d'Astrolabe. La paroi tout entière qui se trouve devant le satellite est en réalité un mur soufflant un air particulier, filtré pour éviter au maximum toute particule de poussière. C'est un dispositif rarissime à cause justement des instruments montés ici, que l'on surprotège avec ces bâches en plastique. Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que ces capteurs vont être envoyés autour de la Terre à 800 kilomètres d'altitude pour détecter des traces infimes de gaz particuliers à travers l'atmosphère. S'ils sont contaminés par des impuretés, leur performance s'effondre ! » nous apprend Herve Marcille.
Surtout, ces protections doivent être durables. Entre les tests, les assemblages et les désassemblages ainsi que l'intégration du satellite, MetOp-SG A1 est sur place depuis plusieurs années, et il y restera jusqu'à l'été prochain.
« C'est vrai, c'est un temps long, comparé à d'autres unités comme les satellites de télécommunications. Mais ce programme est particulier. Il a été conçu dans la décennie 2010 pour répondre aux besoins météorologiques européens en orbite basse jusqu'à 2040 au moins ! Lorsque le dernier MetOp-SG A décollera en 2038, je ne travaillerai déjà plus », sourit Herve Marcille, qui n'a pas spécialement l'air en préretraite. Ces unités sont prévues pour opérer au moins 7,5 ans (et plus probablement 10 à 12 ans) chacune.
Et pourtant, près de 500 kilos de ses ergols chimiques ne seront utilisés qu'à la fin de vie de MetOp-SG. « Nous avons un propulseur particulier à l'arrière du satellite, qui est plus puissant que les autres et qui consommera près des deux tiers du carburant total de MetOp-SG. Il est destiné à désorbiter cette unité de façon contrôlée à la fin de sa vie opérationnelle, pour que l'ESA et Eumetsat puissent affirmer avec certitude qu'il sera désintégré dans l'atmosphère, quelque part au-dessus d'une zone déserte du Pacifique », nous explique Herve Marcille.
Il poursuit : « C'est un engagement européen assez fort, et qui coûte cher, pour assurer qu'il n'y aura pas de pollution ou de débris laissés en orbite avec MetOp-SG ni de risque de dégâts au sol. D'autre part, c'est une première sur une mission européenne de prévoir une désorbitation contrôlée dès la conception ! Généralement, il y a une réserve d'ergols pour abaisser l'orbite et s'assurer que le satellite sera désorbité naturellement en moins de 25 ans. Ici, tout sera suivi jusqu'à sa désintégration. »
Les dernières phases de préparation
De ses antennes de communication directionnelles (MetOp-SG est équipé pour « viser » les stations au sol) jusqu'au petit moteur qui orientera le set de panneaux solaires, nous faisons le tour du satellite. S'il est essentiellement prêt, il reste beaucoup de travail aux équipes avant de le voir partir pour son décollage.
« Cet automne, après le départ des instruments, nous allons mener des essais et des simulations, notamment de pannes pour voir si les systèmes internes réagissent comme prévu. Dans les mois à venir, nous allons aussi faire des essais à distance avec Eumetsat : ce sont [ses équipes] qui vont piloter le satellite depuis leurs locaux à Darmstadt, en Allemagne, comme s'il était en orbite. Et ici, nous recréons au mieux toutes les conditions. Ensuite, au début de l'année prochaine, nous aurons encore des essais de propulsion avant l'installation définitive des instruments prêts au vol. » Les équipes d'Airbus DS regardent de près les derniers essais d'Ariane 6 au sol et attendent (comme nous) le vol inaugural avec une nervosité contenue. MetOp-SG A1 est en effet sur la « liste d'attente », en bonne place après le premier décollage.
En quittant l'alcôve au sein de laquelle réside MetOp-SG A 1 presque au complet, nous aurons une dernière aubaine. Dans un autre espace protégé non loin se dresse à la verticale une forme familière. On dirait un MetOp-SG ! Mais celui-ci est « nu », il n'est encore équipé que de sa structure. C'est déjà la deuxième unité SG A 2 qui démarre son lent périple (les satellites cousins SG B sont préparés en Allemagne). Pensez donc, elle ne partira vers l'espace qu'en 2031 si tout se passe comme prévu ! Mais d'ici là, nos besoins pour la météorologie n'auront pas changé, et nous compterons toujours sur les précieux instruments que les équipes installent ici.
Toute l'équipe de Clubic remercie du fond du cœur Airbus Defence and Space pour cette visite du satellite MetOp-SG A 1, et en particulier messieurs G. Boltz, N. Christ et Herve Marcille.