L'année fiscale 2012 est terminée pour Intel. On retiendra qu'elle n'a pas été de tout repos pour le géant des micro-processeurs de Santa Clara : sur douze mois, le chiffre d'affaires a reculé de 1,2% à 53,3 milliards de dollars et les bénéfices ont glissé de 14% à 11,6 milliards de dollars. Une tendance qui s'est d'ailleurs dégradée en fin d'année malgré l'arrivée de Windows 8 en octobre et le lancement de nouveaux Ultrabooks aux fonctionnalités tactiles.
Le dernier trimestre s'est soldé par un recul du chiffre d'affaires de 3%, qui atteint 13,5 milliards de dollars. Et un repli encore plus prononcé des bénéfices, qui cèdent 26% sur un an, à 2,6 milliards de dollars. En un an, la division PC du groupe a baissé de 3%, pour 34,3 milliards de dollars de chiffre d'affaires. Notons toutefois un léger mieux en fin d'année, où la baisse a été mesurée à 1,2% comparé à 2011.
Intel, qui équipe neuf ordinateurs sur dix dans le monde, voit se répercuter la mauvaise santé globale du secteur sur ses résultats. Pourtant, la firme de Paul Otellini a entamé en 2012 le virage de la mobilité. La division Autres architectures, qui comprend les SoC pour terminaux mobiles, s'est affichée en déclin de 13% à 4,4 milliards de dollars. S'introduire sur ce marché face à ARM ne sera pas une mince affaire.
Heureusement pour Intel, la société récupère le succès des smartphones et des tablettes d'une autre manière : sur les Data Centers. Car tous ces terminaux se connectent à une infrastructure pour y envoyer des données, ce qui dynamise l'industrie des serveurs. Intel a ainsi enregistré une hausse de son chiffre d'affaires de 6% en 2012, ce qui représente 10,7 milliards de dollars. Les attentes d'Intel sur ce terrain sont grandes.
Pour le début de l'année, Intel attend un chiffre d'affaires de 12,7 milliards de dollars, à plus ou moins 500 millions. De manière générale, le groupe s'attend pour 2013 à un rythme de croissance à un chiffre.
Afin de revenir plus en détails sur l'année écoulée et aborder les enjeux à venir, le p-dg d'Intel France Stéphane Negre, a accepté d'échanger avec nous.
Le chiffre d'affaires d'Intel a reculé de 1,2% en 2012 et les bénéfices de 14%. Était-ce une année difficile ?
Nous avons terminé l'année comme prévu. Le premier trimestre a été favorable. Au troisième trimestre, en raison d'un revirement dans les pays émergents, on était légèrement sous nos attentes. Et en ce qui concerne le dernier trimestre, on est sur les objectifs, et même un peu au-dessus en termes de profitabilité. Pour 2013, nous pensons que la croissance devrait être assez faible.
Nous assistons à une explosion de la mobilité (smartphones, tablettes) et à un ralentissement du PC. Quelle place a occupé Intel dans ces marchés cette année ?
Il y a des segments à plus forte croissance que le PC, qui a tout de même de forts volumes. Mais il faut d'abord définir ce que l'on entend par PC. Si l'on observe les ventes de PC portables, elles sont restées en croissance en 2012. C'est aussi l'année où nous avons beaucoup augmenté notre présence sur les smartphones.
On possède désormais une offre de sept smartphones disponibles dans vingt pays (Motorola RAZR I, Motorola MT788, Orange San Diego, MegaFon MINT, Lenovo K800, Lava XOLO et ZTE Grand X in). Nous sommes présents sur des smartphones Android et pour 2013, nous souhaitons étendre cette présence aux tablettes Android dans le but de multiplier notre offre.
Quels sont les atouts que peut faire valoir Intel sur mobile face à un concurrent comme ARM ?
Notre ambition est d'avoir une technologie compétitive pour proposer ce qu'il y a de mieux sur le marché. Il y a encore quelques mois, le marché pensait qu'Intel ne serait pas compétitif sur le plan de la consommation - car jusqu'à maintenant, ça n'était pas dans l'ADN d'Intel d'être perçu comme consommant peu. Or on a montré au CES que nous n'avions pas à rougir face à la concurrence dans ce domaine.
Si le marché se tourne vers les tablettes et les tablettes hybrides, portées par Windows 8/RT, quelle est la marge de manœuvre de l'Ultrabook ? N'y a-t-il pas un risque de cannibalisation ?
L'Ultrabook n'est pas vieux, il n'a qu'un an environ. Le marché s'est posé beaucoup de questions mais grâce à eux, nous avons pu redynamiser le marché du PC. Car c'est un secteur qui va vers la mobilité, ce a quoi a pu répondre l'Ultrabook qui est fin, léger, désormais convertible, mais surtout productif pour l'utilisateur. Nous avons maintenant une gamme de 140 modèles, dont plusieurs sont équipés d'un écran tactile.
Ça n'est pas Windows 8 qui a forcé à la transition vers les modèles convertibles (d'ordinateur portable en tablette) mais c'est l'industrie qui le demande. Windows 8, par son interface, met en valeur les fonctionnalités tactiles et de convivialité du monde du PC. L'Ultrabook a tout autant besoin de Windows 8 que Windows 8 a besoin de l'Ultrabook pour mettre à profit ces nouvelles fonctions.
N'oublions pas le PC de bureau, dont les ventes ont été moroses en 2012. De quoi a besoin cette industrie pour se relancer ? De Haswell ? De Windows 8 ? Des pays émergents ? De Lenovo ?
Ici aussi, il faut savoir de quel PC fixe l'on parle. Est-ce que ce sont de grosses machines bruyantes ? Car nous avons observé une vraie accélération des PC qui évoluent vers le All-in-one. Ce sont des ordinateurs qui sont intégrés dans l'écran et qui offrent un design intéressant. Ils se caractérisent par des fonctions multitouch et multi-utilisateurs car ils ont de grandes dalles, et sont conviviaux.
Concernant Lenovo, il est l'un des plus importants vendeurs de PC fixes et il est un grand client pour nous. Mais il est également client sur les serveurs et les smartphones. Le boom que connaît le groupe en termes de ventes est donc une bonne nouvelle pour Intel.
Pour revenir sur le marché français, quelles sont les particularités pour Intel dans l'Hexagone ?
Notre implantation est essentiellement axée sur la recherche et développement. Alors que nous étions partis de zéro en 2009, nous avons désormais plus de 800 personnes qui se consacrent notamment à la R&D sur les smartphones sur deux campus, à Toulouse et à Sofia Antipolis. C'est principalement grâce à cela que nous avons pu lancer un smartphone avec Orange.
D'un point de vue marché, la France est le pays le plus fort en ce qui concerne la télévision sur IP, avec la Corée du Sud. Intel en profite via les Box. Nous équipons Free en SoC, et depuis 2012, Bouygues (Sensation), Numericable et la dernière Livebox d'Orange. C'est un marché de plusieurs millions d'unités qui pour Intel représente un chiffre d'affaires supérieur aux smartphones et aux tablettes dans le pays.
Au niveau mondial, Intel a amélioré ses revenus sur les Data Centers de 6%. Quels ont été les leviers de croissance, et quelles sont les perspectives d'évolution à l'avenir ?
Notre offre est compétitive, et le marché des Data Centers est en croissance. On parle beaucoup de mobiles, de Box, de télévisions et même de voitures intelligentes. La bonne nouvelle, c'est que quand on met de l'intelligence dans des milliards d'objets passifs, ils se connectent tous à une infrastructure, avec nos processeurs. C'est une chance très importante pour Intel qui possède une part de marché conséquente.
Dans un contexte de Big Data, où les données sont de plus en plus nombreuses, et d'émergence de l'Internet des objets, Intel a de bonnes perspectives. D'ailleurs, nous avons investi, via Intel Capital, 10 millions d'euros dans la start-up française Sigfox (lire Ludovic Le Moan, Sigfox : "Bientôt, une plante pourra envoyer un tweet lorsqu'elle a soif"). C'est un projet extrêmement prometteur car leur technologie de réseau bas débit permet d'équiper en connectivité tous les objets, ce qui va tirer les besoins en infrastructure.
En 2013, nous comptons porter le 22 nm sur les serveurs haut de gamme avec Xeon. Mais nous n'ometteons pas un marché, un peu plus récent, qui est celui des micro-serveurs sur base Atom, et qui est en croissance.
Intel a annoncé investir 13 milliards de dollars cette année. Où se focaliseront ces investissements ?
Sur ces 13 milliards de dollars, 10 milliards sont investis en recherche et développement, c'est un chiffre en croissance, car cela représente notre compétitivité dans les années à venir. Nous sommes les premiers à investir sur les wafers de 450 mm par exemple. Nous avons investis 3 milliards de dollars dans l'équipementier ASML pour y parvenir les premiers, et rester compétitifs.
Les principales annonces d'Intel au Consumer Electronics Show 2013 :
- CES 2013 : Intel : l'architecture x86 consomme moins qu'ARM ?
- CES 2013 : Intel lance Lexington, l'Atom Z2420 pour les marchés émergents
- CES 2013 : Intel amène la TV aux Ultrabooks via Bouygues
- CES 2013 : Intel décline Ivy Bridge en version 7 Watts
- CES 2013 : Intel rend le tactile obligatoire sur ses prochains ultrabooks
- CES 2013 : bilan hardware (AMD, ARM, Intel, NVIDIA, Qualcomm) & Windows
- CES 2013 : Les Ivy Bridge 7 Watts d'Intel ne le sont pas