Nous sommes allés y humer l'ambiance le 31 décembre pour voir quels produits attiraient le plus les chalands en ce dernier jour de 2008, ainsi que ce 2 janvier pour saisir les bonnes affaires (le 1er, désolée, l'auteur avait autre chose à faire).
Comme toujours mais plus encore, promotions à tous les rayons, notamment sur les téléviseurs à écran plat, dont le prix ne cesse de chuter dans des proportions presque alarmantes. On remarquait notamment un modèle à cristaux liquides (LCD) de 37 pouces en pleine haute-définition (Full HD) signé Sharp (le pionnier du secteur et numéro un ici) à 129.700 yens (environ 1.000 euros) avec en cadeau 25.000 yens (près de 200 euros) à valoir sur l'achat suivant. Un autre modèle Sharp, de 42 pouces, était également proposé à 159.800 yens accompagné d'une remise de 32.000 yens sur tout produit acheté ultérieurement. En tout, plus de 25 types de TV LCD Full HD de grandes marques nippones et le plus souvent totalement "made in Japan" (un élément qui compte beaucoup ici) faisaient l'objet de ce type de rabais alléchants.
Autre rayon bardé de banderoles criardes: celui des enregistreurs vidéo de salon sur DVD et/ou disque dur. Là, il ne s'agissait pas seulement de brader les modèles de base sur simple DVD, mais de vanter les vertus indéniables des appareils Blu-Ray. Les Japonais sont très sensibles à la qualité des images, et comme les programmes de TV sont désormais diffusés en haute-définition, pour les enregistrer, les téléspectateurs du cru souhaitent majoritairement un support idoine, ce qu'est le Blu-Ray. Les prix ont dégringolé ces derniers mois, de sorte que l'on trouve des modèles sans disque dur Sharp à 80.000 yens (620 euros) ou avec disque dur à 99.000 yens (765 euros), avec à chaque fois une ristourne de 20% du prix à défalquer sur l'achat suivant. Le passage récent du prix des enregistreurs Blu-Ray sous le seuil psychologique des 100.000 yens a eu un effet immédiat sur les ventes : selon l'institut de recherches en marketing BCN, en décembre, 80% des enregistreurs de salon sur DVD vendus au Japon étaient de type Blu-Ray. Oui, vous avez bien lu: 4 appareils sur 5.
C'est que les Japonais ne se disent pas: "puisque les contenus sont visibles en ligne, pas la peine d'avoir un lecteur Blu-Ray, l'édition de film sur support physique est morte", genre de propos que l'on lit fréquemment en France. Leur raisonnement est tout autre, il est ainsi : "quel support me permet de conserver de façon durable et de voir autant que souhaité les films et autres programmes vidéo en haute-définition diffusés à la télévision ou téléchargés, ainsi que mes propres images tournées avec un camescope HD ?". Pour eux la réponse est désormais claire: "le Blu Ray", et ce depuis que ce format a tué le HD-DVD il y a près d'un an. L'enregistreur Blu-Ray n'est donc pas tant perçu comme un moyen de lire des DVD achetés dans le commerce, que comme un outil de haute qualité permettant de créer des archives personnelles qui n'existent pas ailleurs ou ne sont pas en permanence à leur disposition. Ajoutons en outre que les Japonais (nettement moins adeptes du piratage que les Français) sont assez matérialistes, de sorte qu'ils restent acheteurs des éditions sur disques optiques, lesquelles sont généralement enrichies de séquences exclusives. Pour preuve, les ventes de CD des artistes de la J-Pop ne fléchissent pas malgré leur présence massive dans les offres en téléchargement.
Revenons à nos moutons. Les promotions spéciales (du 31 décembre au 4 janvier) ne se limitent pas à ces appareils-vedettes du moment. Elles sont aussi légion dans les rayons électroménagers et santé des empires du high-tech, notamment sur les produits typiquement nippons considérés comme presque indispensables ici mais introuvables le plus souvent en France. Exemples: les toilettes électroniques, les fauteuils et autres étonnants engins de massage, les autocuiseurs à riz, les humidificateurs de derme, les sèches-cheveux ou masseurs de visage à ions négatifs, les podomètres ou encore la vaste panoplie des tensiomètres et autres appareils de suivi sanitaire personnel qui font un tabac ici grâce aux publicités et directives étatiques pour lutter contre la prise de bedaine et autres causes de maladies cardio-vasculaires. En cette période de l'année où les Japonais avalent des litres de bière, vin et sake en mangeant des mochi, haricots noirs et autres mets traditionnels de fin d'année, s'offrir un engin pour se peser et mesurer le volume de graisse accumulé donne bonne conscience. "Promis, demain, je commence mon régime": cette bonne résolution plus ou moins respectée, n'est pas l'apanage des Français, rassurez-vous.
Reste qu'au-delà de tous ces soldes spéciaux, la vraie bonne affaire est ailleurs, à condition de se lever tôt : dans les "fuku bukuro". On vous en avait déjà parlé l'année dernière. Il s'agit de sacs en nombre limité qui enferment un ou plusieurs produits dont on connaît le type, mais dont on ignore la marque et les caractéristiques précises. Ils sont proposés à un tarif défiant toute concurrence. Exemples les plus frappants aperçus ce vendredi 2 janvier: un enregistreur vidéo HD à disque dur 250 gigaoctets (Go) pour... 19.800 yens (155 euros) ou un modèle à disque dur 320 Go et DVD Blu-Ray pour 60.000 yens (465 euros). Sachant qu'un nombre très limité de fabricants présents au Japon ont des enregistreurs Blu-Ray dans leur catalogue, les chances sont grandes de tomber sur un appareil Sharp, Sony ou Panasonic. Autre bon plan a priori: un boîtier photo numérique à visée Reflex avec une carte SD 1Go pour 30.000 yens (235 euros). Là encore, vu que les marques qui proposent des Reflex ne sont pas très nombreuses et quasiment exclusivement nippones, celui qui réussit à mettre la main sur un des 45 "fukubukuro" de ce type aura sans doute la bonne surprise d'y trouver un Nikon, un Canon ou un Sony (doté des technologies Reflex de Minolta).
Pas branché high-tech? Déjà sur-équipé? Pas grave. Le plaisir de la tradition du "fuku bukuro" est aussi pour vous, puisque ces "pochettes de la bonne fortune" sont en réalité d'abord et avant tout les trésors recherchés des luxueux grands magasins (Mitsukoshi, Takashimaya, Matsuya, Seibu, etc.). Il y a avait ainsi des milliers d'impatients (des femmes surtout) faisant la queue à l'ouverture de ces boutiques trônant dans les beaux quartiers de Tokyo en ce début d'année. Les stocks sont évidemment partis en quelques heures au plus.
Pour terminer ce premier article de 2009, citons une enquête sur les publicités qui ont été jugées les plus créatives et les plus efficaces durant 2008, selon un panel de publicitaires de grandes entreprises et autres spécialistes du secteur. Dans ce classement, où toutes les catégories de produits et services sont admises, l'univers de l'électronique grand public est une fois de plus l'un des plus représentés, au milieu des cosmétiques, aliments, boissons et vêtements. Les spots du troisième opérateur de communications cellulaires nippon, Softbank Mobile, arrivent pour la deuxième année de suite en première place, loin devant tous les autres. Softbank déroule depuis des mois la saga d'une famille improbable pour faire l'article de ses offres tarifaires ultracompétitives.
Et cela marche: depuis un an et demi, il est celui qui rafle le plus de nouveaux souscripteurs chaque mois. Ces recrues, qui s'engagent pour deux ans à lui rester fidèles en échange de prix attractifs, resteront-elles ? Réponse dans quelques mois, au terme des contrats des premiers attrapés dans les filets. En effet, selon une autre récente étude, même si Softbank est doué pour la pub, il est in fine le plus mal noté des trois principaux opérateurs (lui-même, NTT Docomo et KDDI) en termes de qualité de prestation, de fiabilité du réseau et autres critères mesurant la satisfaction des clients. Peu importe, les promos, fussent-elles un peu trop bien foutues pour être vraies, attirent pour le moment du peuple. Les messages publicitaires de NTT Docomo et KDDI (service AU) se classent respectivement aux 29e et 28e places du hit-parade 2008.
Autre vedette remarquée des écrans publicitaires l'an passé : Nintendo. Le champion nippon des jeux vidéo a grimpé en deuxième position pour ses spots présentant la console de salon Wii et les programmes associés. Les pubs pour le modèle portable DS arrivent pour leur part en 5e place. Juste derrière se trouvent les téléviseurs LCD et enregistreurs DVD Blu-Ray de la gamme Bravia de Sony. Les modèles concurrents Aquos de Sharp occupent la 20e marche, et la famille Viera de Panasonic la 27e, à égalité avec les services cellulaires de KDDI.
Signalons enfin que parmi la flopée de produits japonais qui caracolent dans ce classement, un intrus américain s'est hissé dans le top 10, à la dixième position: on vous le donne en mille, il s'agit de l'iPhone 3G d'Apple, proposé par Softbank au Japon. Qu'il figure dans ce palmarès publicitaire ne signifie cependant pas qu'il se vend. En effet, ce produit ne fait pas au Japon le malheur que d'aucuns espéraient, tant s'en faut, même si les impatients se sont jetés dessus le premier jour de sa mise en vente. L'an 2008 marquera en outre un tournant dans les ventes de téléphones portables au Japon, lesquelles devraient s'établir à moins de 50 millions d'unités pour la première fois, en raison de divers changements dans la facturation des terminaux et du fait que les mobiles actuels satisfont largement les besoins des clients qui, du coup, les gardent plus longtemps.
Bonne année à tous.
