Le patron et fondateur de Telegram, Pavel Durov, avait été arrêté au mois d'août dernier. Un événement qui avait lancé l'affaire Telegram, dont nous vous faisons une rétrospective pour cette fin année.

2024 aura sûrement été l'année la plus compliqué de la vie de Pavel Durov  © Shutterstock
2024 aura sûrement été l'année la plus compliqué de la vie de Pavel Durov © Shutterstock

Telegram est une des applications de messagerie instantanée les plus importantes au monde, avec près d'un milliard d'utilisateurs au compteur. Mais contrairement à son concurrent WhatsApp, elle a longtemps été considérée comme plus qu'une simple application, beaucoup y voyant une plateforme sur laquelle il était possible d'effectuer aisément tout type de transactions illégales, et ce, grâce à la philosophie libertaire de son fondateur Pavel Durov. Longtemps sollicité, sans vraiment beaucoup de retours, par les autorités à travers la planète, cette situation a changé brutalement le jour où le milliardaire russe a été appréhendé par les autorités françaises.

Une arrestation à la résonance internationale

Le 24 août 2024, la planète apprenait, un tantinet éberluée, que le patron de Telegram avait été arrêté par les autorités françaises à la descente de son avion, à l'aéroport du Bourget. Une arrestation inédite, qui allait lancer le début d'un feuilleton de plusieurs mois durant lequel Pavel Durov, alors 39 ans, allait se voir accusé de complicité avec les méfaits pouvant avoir lieu sur son application.

Presque tout de suite, de nombreuses voix se sont élevées à travers la planète pour condamner l'embastillement de Pavel Durov pour des crimes qu'il n'aurait pas commis directement, par lui-même. Des personnalités d'envergure internationale, comme le patron de Rumble Chris Pavlovski, le journaliste Gleen Greenwald qui avait publié les révélations d'Edward Snowden ou bien Elon Musk, ont chacune critiqué cette arrestation.

Les jugements négatifs ont été tels, avec notamment l'idée à ce moment très répandue sur la toile qu'il s'agissait d'une affaire politique, qu'Emmanuel Macron avait dû lui-même prendre la parole sur le sujet. Il avait ainsi expliqué à la fin du mois d'août dans un message sur X que « l'arrestation du président de Telegram sur le territoire français a eu lieu dans le cadre d’une enquête judiciaire en cours. Ce n’est en rien une décision politique. Il revient aux juges de statuer. »

Telegram accusé d'être la plateforme facilitant les crimes sur internet

Un bruit médiatique qui n'aura finalement que peu d'incidence sur le dossier judiciaire. Il faut dire que Telegram trainait depuis maintenant plusieurs années une très mauvaise réputation de plateforme sur laquelle les pires criminels (terroristes, narcotrafiquants, pédocriminels) pouvaient agir avec une certaine liberté.

Et le dossier construit contre Pavel Durov par la justice française est bien épais, et compte ainsi au total 12 chefs d'accusation. La moitié comprend diverses incriminations en tant que complice pour des crimes graves (escroquerie en bande organisée, aide à la détention d'images pédopornographiques ou au commerce de stupéfiants), les autres tenant à l'accusation de fourniture de moyens de cryptologie sans autorisation, ainsi qu'à l'association de malfaiteur et au blanchiment de crimes et de délits. Coïncidence intéressante, on entendait parler à la même époque de l'ouverture d'une autre enquête, cette fois en Suisse, contre Pavel Durov, pour des violences commises sur l'un de ses enfants.

L'homme d'affaires prendra son temps par la suite pour répondre à ces charges, puisqu'il ne prendra la parole en public pour la première fois qu'un peu moins de deux semaines après son arrestation. Il avait ainsi dans un message publié sur Telegram balayé les accusations de laxisme, rappelant que l'entreprise comptait un représentant légal sur le continent européen vers qui se tourner en cas de problème. Il avait par ailleurs ajouté que si des problèmes étaient détectés par les autorités, elles devaient attaquer la société, et non pas le patron. Car, pour lui, « aucun innovateur ne construira de nouveaux outils s'il sait qu'il peut être tenu personnellement responsable des abus potentiels de ces outils. »

Telegram a été longtemps prisée par les criminels pour certaines de leurs activités
Telegram a été longtemps prisée par les criminels pour certaines de leurs activités

Pavel Durov est depuis le mois d'août bloqué en France

Pavel Durov n'a malheureusement pour lui par encore convaincu les autorités hexagonales. Car il aura subi dès le début un traitement assez musclé, avec une garde à vue dont la durée avait été assez impressionnante – celle-ci s'étant étendue au final sur près de quatre jours. Pour rappel, une garde à vue pouvant aller jusqu'à 96 heures n'est ordonnée en France que pour les crimes les plus graves, comme le proxénétisme, le trafic de stupéfiant, le vol ou le meurtre en bande organisée. Une première preuve du sérieux du dossier.

La seconde a tenu aux conditions dans lesquelles la remise en liberté du fondateur de Telegram s'est effectuée. Pavel Durov a en effet, pour avoir le droit d'accéder à une liberté conditionnelle, dû répondre à plusieurs obligations. La première a été le dépôt d'un cautionnement de 5 millions d'euros (la condition la plus aisée sûrement). La seconde par contre est beaucoup plus contraignante, puisque le Franco-russe a depuis la fin août interdiction de quitter le territoire français, et doit en plus pointer deux fois par semaine au commissariat. Une mesure qui est tout de même assez dure, vu qu'elle devrait persister assez longtemps, Pavel Durov n'ayant pu répondre aux questions d'un juge d'instruction pour la première fois qu'au début du mois de décembre.

La lenteur de l'instruction tient évidemment au fonctionnement de la justice française, mais peut-être aussi au fait que le dossier monté contre Pavel Durov apparaît plus comme un moyen de pression que comme la première étape d'une éventuelle condamnation. Car depuis l'arrestation du fondateur de Telegram, les choses ont bougé.

Pavel Durov sait qu'il doit dorénavant coopérer le mieux possible avec la justice française © Shutterstock

Telegram a depuis changé d'approche, et collabore plus avec les autorités

C'est ce qu'affirment en tout cas les autorités françaises. Moins d'un mois après son arrestation, on apprenait que Telegram avait musclé sa modération, et coopérait dorénavant beaucoup plus en partageant des données dans des dossiers de crime organisé. Et ce changement de ton ne serait pas exclusif à la France. D'autres pays européens, qui appartiennent comme la France à l'Agence de l'Union européenne pour la coopération judiciaire en matière pénale, Eurojust, ont aussi pu obtenir des informations précieuses. L'un d'eux a par exemple pu obtenir des renseignements sur un groupe Telegram au sein duquel une centaine d'assassinats avaient été commandités. Enfin, des pays hors UE ont aussi sollicité la justice française, espérant pouvoir avancer sur leurs dossiers grâce à ce changement.

Du côté de Telegram, on assume pleinement ce changement d'orientation. À la fin du mois de septembre, Pavel Durov postait un nouveau message sur son canal personnel, expliquant que les conditions d'utilisation et les politiques de confidentialité avaient été mises à jour. « Nous avons précisé que les adresses IP et les numéros de téléphone de ceux qui enfreignent nos règles peuvent être divulgués aux autorités compétentes en réponses à des demandes légales valides » indiquait-il alors. Enfin, la fonction Rechercher, objet de certaines controverses, avait aussi été nettoyée grâce aux efforts des équipes de modérations et de l'IA, afin d'empêcher l'accès à du contenu illégal.

En bref, c'est un nouveau Telegram qui est né à la suite des déboires judiciaires de Pavel Durov. La question qui se pose est de savoir si cette nouvelle façon de fonctionner tient au fait que le patron de la plateforme est encore entre les mains des autorités françaises, ou bien s'il s'agit d'une impulsion destinée à persister dans le temps. Dans tous les cas, si le sort personnel de Pavel Durov est encore en suspens, ce dossier important n'aura pas vraiment fait de mal à Telegram. Au contraire presque, pourrait-on, dire, puisque la plateforme a vécu une très belle année 2024, devenant pour la première fois de son histoire rentable, tout en affichant une situation financière assainie. De quoi pousser son PDG à poursuivre sur la nouvelle route qui a commencé à être tracée ces derniers mois ?

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