New Glenn, la fusée de Blue Origin, s’apprête à effectuer son vol inaugural depuis Cap Canaveral. Ce lanceur réutilisable, financé par Jeff Bezos, souhaite rivaliser avec le Starship de SpaceX. Cette première mission testera des technologies innovantes tout en marquant un nouveau chapitre dans la compétition spatiale entre les deux milliardaires.

Blue Origin pourrait-elle faire de l'ombre à SpaceX ? - © The Bold Bureau / Shutterstock
Blue Origin pourrait-elle faire de l'ombre à SpaceX ? - © The Bold Bureau / Shutterstock

Blue Origin, l’aventure spatiale de Jeff Bezos, effectuera le premier lancement de sa fusée lourde New Glenn le 13 janvier depuis la base de Cap Canaveral. Ce projet, dévoilé en 2016, a connu plusieurs retards en raison de défis techniques. Conçue pour transporter jusqu’à 45 tonnes en orbite basse, la fusée a tout d'une grande. Réutilisable et aux objectifs ambitieux : acheminer des charges utiles commerciales, soutenir le projet Kuiper d’Amazon et, à terme, transporter des humains.

La mission inaugurale embarquera le prototype Blue Ring Pathfinder, un élément clé pour les futures opérations spatiales de Blue Origin. Ce lancement est aussi l'occasion pour l'entreprise du patron d'Amazon d'entrer en concurrence directe avec SpaceX et son Starship, et de lui damer le pion des secteurs du transport spatial et de l’Internet par satellite.

Une fusée réutilisable au service de projets ambitieux

Blue Origin voit les choses en grand. Avec ses 98 mètres de hauteur, New Glenn est dotée de sept moteurs BE-4 qui tournent au gaz naturel liquéfié et la fusée est conçue pour être partiellement réutilisable. Son premier étage, capable de supporter 25 missions, doit atterrir verticalement sur une barge située dans l’océan Atlantique, ce qui optimise ainsi les coûts. Voilà qui lui confère un avantage stratégique face à la Falcon Heavy de SpaceX.

New Glenn peut transporter jusqu’à 45 tonnes en orbite basse et 13 tonnes en orbite de transfert géostationnaire, certes des capacités inférieures au Starship de SpaceX, mais complémentées par une soute spacieuse de 7 mètres de diamètre. Sa première mission est un vol sans équipage, emportant le Blue Ring Pathfinder, un prototype de plateforme de communication et de soutien logistique spatial.

Blue Origin mise également sur l’intégration avec le projet Kuiper, qui vise à créer une constellation de 3 236 satellites pour offrir une connectivité Internet globale. Cette constellation concurrencera directement les plus de 6 000 satellites Starlink déjà déployés par SpaceX. Une bonne pression pour Blue Origin dont le succès de New Glenn sera déterminant pour garantir la compétitivité du projet Kuiper et attirer de nouveaux contrats commerciaux et institutionnels.

Mais n'allons pas trop vite. Malgré ses ambitions, Blue Origin a fait face à des retards liés au développement de ses moteurs BE-4 et à des contraintes techniques. Ces obstacles ont retardé son vol inaugural initialement prévu en 2020. Cette fois, cette phase de développement prolongée pourrait offrir une fiabilité accrue lors des futures missions. Selon Jarrett Jones, vice-président senior de Blue Origin, « aucun essai au sol ni aucune simulation de mission ne peuvent remplacer le vol de cette fusée. Il est temps de voler. Quoi qu'il arrive, nous apprendrons, affinerons et appliquerons ces connaissances à notre prochain lancement ». Patience et longueur de temps, donc.

New Glenn est prête à décoller - © Blue Origin
New Glenn est prête à décoller - © Blue Origin

Une concurrence acharnée avec SpaceX

On l'a compris, la compétition est bien lancée entre Blue Origin et SpaceX, mais elle va au-delà des performances techniques de leurs fusées respectives. Depuis sa création en 2002, SpaceX domine le marché avec sa gamme Falcon et, plus récemment, le Starship. En 2024, SpaceX a réalisé 132 lancements, soit près de la moitié des tirs mondiaux. Blue Origin, quant à elle, reste encore en phase de démonstration avec des vols suborbitaux réguliers effectués par sa fusée New Shepard.

Le Starship, avec ses 120 mètres de hauteur et une capacité d’emport de 150 tonnes en orbite basse, surpasse largement New Glenn en matière de performance brute. Cette fusée permet non seulement le lancement de charges lourdes, mais nourrit également les ambitions interplanétaires d’Elon Musk, notamment pour la colonisation de Mars. En revanche, New Glenn se positionne sur un segment entre performance et économies grâce à son côté réutilisable.

La concurrence concerne aussi les contrats gouvernementaux. Blue Origin collabore déjà avec la NASA pour le système d’atterrissage lunaire Artemis, mais SpaceX demeure un acteur prédominant grâce à ses succès réguliers. La nomination de Jared Isaacman à la tête de la NASA, un proche d’Elon Musk, pourrait peut-être rebattre les cartes dans la répartition des projets publics, et compliquer les ambitions de Blue Origin.

Enfin, le nerf de la guerre reste le coût des opérations : New Glenn prévoit des lancements entre 70 et 90 millions de dollars, ce qui la place dans une gamme proche de la fusée Falcon-9 de SpaceX. Essentiel pour attirer des clients comme Amazon, la NASA, ou des opérateurs privés. L’entreprise prévoit une cadence de 12 vols par an à partir de 2025.

Il se peut donc que Jeff Bezos commence à faire trembler Elon Musk. En attendant, le lancement de New Glenn est prévu si les conditions météo le permettent, à ce lundi 13 janvier. Nul doute que le patron de SpaceX sera aux premières loges.

Sources : The Verge, Le Monde (accès payant)