Bernard Girard : "Le modèle Google n'est pas transposable en France"

Ariane Beky
Publié le 07 décembre 2006 à 00h00
Consultant, auteur du livre "Une révolution du management : le modèle Google", aux éditions MM2, Bernard Girard résume les atouts et les limites du modèle.

AB - Bernard Girard bonjour. En quoi le modèle de management pratiqué par Google est-il révolutionnaire ?

BG - Révolutionnaire, le management de Google l'est en ce qu'il prend le contre-pied de beaucoup d'idées reçues des spécialistes.

On pourrait citer le choix du triumvirat pour diriger l'entreprise mais aussi les méthodes de recrutement, l'organisation en petites équipes avec une hiérarchie très légère, la gestion des innovations ou encore les relations avec les clients.

La relation avec la clientèle est particulièrement intéressante à analyser : Google a su mettre au point un dispositif qui automatise complètement la relation commerciale, ce qui lui permet de réduire le coût de l'action commerciale et donc de toucher des clients qu'aucune entreprise ne serait allée chercher.

Une grande part du succès de Google vient de sa capacité à offrir des services de publicité à des petits annonceurs que personne n'aurait imaginé solliciter.

AB - Ce modèle d'organisation est-il transposable en France ?

BG - Ce modèle n'est probablement pas transposable tel que, que ce soit en France ou ailleurs. Néanmoins, si on y voit une boite à outils, alors de nombreux outils peuvent être transposés en France dans les grandes entreprises mais aussi, et surtout, dans les entreprises en forte croissance.

Ces solutions peuvent d'ailleurs, et c'est ce qui en fait l'intérêt, être appliquées dans les métiers les plus divers. Plusieurs entreprises pratiquent déjà, d'ailleurs, certaines des solutions que les collaborateurs de Google ont mis au point, comme Monsieur Jourdain faisait de la prose, sans le savoir.

Je pense, notamment, à un restaurateur de la région de Toulouse qui demande à ses collaborateurs d'inventer chaque mois un nouveau plat. Ces différents plats sont testés par l'ensemble de l'équipe (les cuisiniers que le patron appelle "collègues"), les meilleurs sont ensuite proposés aux clients dans un menu expérimental.

Il s'agit de cuisine, mais on est très proche de deux idées développées par Google : donner à chacun l'occasion de développer ses propres projets et demander aux collègues, aux pairs, de juger de la qualité de ce qui est proposé.

AB - Pensez-vous que Free, filiale Internet du groupe , s'en rapproche ?

BG - Je ne connais pas suffisamment cette entreprise pour vous répondre.

AB - Chez Google, l'activité publicitaire et la fourniture de solutions à la demande (Apps for Your Domain, Docs & SpreadSheets...) prennent-elles le pas sur la recherche web, comme le suggère Sarah Milstein, co-auteur de "Google: The Missing Manual" ?

BG - La recherche sur le web est le coeur de Google, ce qui unit toutes ses activités. 80% des efforts de la société y sont consacrés et je ne crois pas qu'il soit question de revenir dessus. Lever le pied sur ce métier de base serait une erreur alors qu'il y a tant à faire, ne serait-ce que pour conquérir les marchés de l'information dans les entreprises, aujourd'hui à peine effleurés.

AB - Selon vous, quels obstacles devra franchir Google ces prochaines années pour rester la référence de l'Internet ?

BG - Les obstacles seront multiples, certains internes, d'autres externes.

Les obstacles externes sont connus : résistance des Etats à la domination d'une entreprise d'origine américaine, inquiétude des utilisateurs pour la protection de leurs données privées, résistance des détenteurs de droit de propriété intellectuelle, développement de la fraude qui freine le développement de la publicité, concurrence d'acteurs puissants comme Microsoft ou de nouveaux acteurs.

Les obstacles internes ne sont pas moins nombreux. Il y a tous les obstacles que peut créer une croissance très rapide, une dégradation des principes qui leur ont permis d'avancer aussi rapidement (la bureaucratisation de l'entreprise pourrait être l'un de ces obstacles), les limites des solutions qui leur ont jusqu'à présent permis de si bien réussir.

Pour ne prendre qu'un exemple : les méthodes mises en oeuvre dans l'innovation leur a permis de multiplier les nouveautés, mais trop de nouveautés peut rendre l'offre illisible, complexe.

Pour conclure, je dirai que le premier de ces obstacles pourrait être l'arrogance d'individus qui, éblouis par leur succès, oublieraient que les concurrents restent rarement les deux pieds dans le même sabot.

AB - Bernard Girard, je vous remercie.
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