Depuis quelques mois, plusieurs fabricants annoncent tour à tour des cartes mères PCI-Express 3.0. C'est le cas d'Asrock, Gigabyte et MSI notamment. Pourtant, à l'heure où nous écrivons ces lignes aucun chipset, aucune puce graphique ni même aucun processeur n'est compatible avec l'interface PCI-Express 3.0. Qu'en est-il au juste ? Sommes nous face à une vraie compatibilité PCI-Express 3.0 ou face à un nouvel argument marketing ?
La genèse
C'est en novembre dernier que la norme 3.0 de l'interface d'interconnexions PCI-Express a été ratifiée (voir Les spécifications de la norme PCI-Express 3.0 sont finalisées). Au menu des débits supérieurs avec 8 GT/s contre 5 GT/s pour le PCI-Express 2.1. Nous laisserons ici volontairement de côté le débat qui consiste à savoir si oui ou non les cartes graphiques actuelles arrivent à saturer le bus PCI-Express 2.0 pour nous concentrer sur cette vague d'annonce de cartes mères PCI-Express 3.0. Dans le courant de l'été Asrock et MSI annonçaient leurs cartes mères PCI-Express 3.0 (voir Premières cartes mères PCI-Express 3.0 chez ASRock et MSI) et Gigabyte continuait hier dans cette voie en annonçant ses cartes mères PCI-Express 3.0 avec notamment la G1.Sniper 2 (voir Gigabyte G1.Sniper 2 : carte mère Z68 résolument haut de gamme pour joueur (màj)) alors même que ces cartes sont basées sur des chipsets Intel comme le Z68 qui sont limités au PCI-Express 2.0.Une compatibilité qui passe par un nouveau processeur
Alors comment ces nouvelles cartes mères supportent le PCI-Express 3.0 ? En réalité, les fabricants de cartes mères misent tout sur le processeur. En effet depuis quelques générations déjà, le contrôleur PCI-Express utilisé par la partie graphique dépend du processeur. Alors que les actuels processeurs Intel Sandy Bridge intègrent un contrôleur PCI-Express 2.0, les futurs Ivy Bridge seront dotés d'un contrôleur PCI-Express 3.0. Dans ce cas de figure, seule la partie graphique bénéficiera des vitesses du PCI-Express 3.0, puisque tous les autres composants du système dépendant du PCI-Express restent gérés par le chipset Z68 ou P67 qui reste borné de son côté au PCI-Express 2.0. En clair pour profiter du PCI-Express 3.0 sur une carte mère que l'on vous vend comme compatible il faudra changer de processeur dans six mois. Pas sûr que cela plaise aux heureux acheteurs de tels systèmes.
... et un nouveau BIOS !
Mais ce n'est pas la seule approximation du message marketing, loin s'en faut. En effet pour profiter des débits du PCI-Express 3.0, il faudra impérativement déployer une mise à jour du BIOS incluant la révision ME8 de l'un des firmwares du chipset selon nos sources à Taïwan. Actuellement la plupart des cartes sont équipées du firmware ME7. A priori ce n'est pas le point le plus gênant mais tout de même.Sans oublier de nouveaux switchs haut débit
Vient ensuite le problème des cartes mères avec et sans switch. Pour les cartes mères avec un seul connecteur PCI-Express 16x, et donc sans switch, la compatibilité avec la norme 3.0 est en principe assurée sans souci, pour peu bien sûr que le bon BIOS soit déployé, qu'un processeur Ivy Bridge soit installé et que le connecteur PCI-Express 16x soit à double-loquet conformément aux dernières spécifications. Dans le cas où la carte mère dispose de plusieurs ports PCI-Express 16x, notamment pour les configurations multi-GPU, il faut qu'elle comporte des switchs haut débit, compatible PCI-Express 3.0. Les switchs ce sont ces petits composants rectangulaires que l'on voit près des ports PCI-Express des cartes mères évoluées et qui permettent de reconfigurer à la volée le nombre de lignes câblant un connecteur PCI-Express tout en aiguillant les paquets.Quid des nForce 200 et autres puces Lucid ?
Et si tout cela n'était déjà pas assez compliqué... un nouveau problème se pose. En effet les composants nForce 200 utilisés par certains fabricants ne sont pas compatibles PCI-Express 3.0. Tout comme vraisemblablement les puces Hydra Engine de Lucid. Du coup cela pose quelques questions... Ainsi Gigabyte annonce que sa GA-Z68X-UD7-B3 (voir le listing ici) est compatible PCI-Express 3.0. Or elle utilise précisément un composant nForce 200 pour deux de ses ports PCI-Express 16x. Impossible donc dans tous les cas que ceux ci opèrent un jour aux débits du PCI-Express 3.0 et il semblerait que Gigabyte ne permette pas de désactiver le composant NF200 (voir Intel Z68: nouveau chipset Sandy Bridge, 3 cartes en test!).
Asus... grand absent ?
Pour l'heure il n'y a bien qu'Asus qui ne s'est pas risqué à annoncer la moindre carte mère compatible PCI-Express 3.0. Aux dernières nouvelles du reste les cartes mères du fabricant ne sont pas équipées de switchs compatibles haut débit pour les modèles les plus évolués. Et pour cause. A l'heure actuelle à Taïwan, le royaume des fabricants de cartes mères, il n'y a pas un seul processeur Ivy Bridge en Engineering Sample qui circule et pas une seule carte graphique à cette norme. Difficile dès lors d'assurer une quelconque compatibilité qui pour l'heure reste théorique.
Du vent le PCI-Express 3.0 ?
Bref vous l'aurez compris, la compatibilité PCI-Express 3.0 aujourd'hui mise en avant par Asrock, Gigabyte ou MSI pour leurs cartes mères est un pur artifice marketing. Non seulement il faudra changer son processeur pour profiter de cette compatibilité, et accessoirement changer sa carte graphique (si l'on veut profiter du plein débit de cette norme), ce qui pour quelqu'un qui achète sa configuration aujourd'hui semble un scénario peu probable pour les six prochains mois. Mais en plus il faudra mettre à jour son BIOS et garder à l'esprit que la compatibilité PCI-Express 3.0 ne concernera au mieux que les ports PCI-Express 16x gérés par le processeur et non ceux dépendant du chipset.Enfin... personne n'a pu tester à ce jour la compatibilité effective des cartes mères en socket LGA1155 avec l'interface PCI-Express 3.0 (NDLR : on risque de bien s'amuser à la sortie d'Ivy Bridge). En définitive choisir une carte mère compatible PCI-Express 3.0 pour ce seul argument nous paraît aujourd'hui un mauvais choix d'autant plus que des zones d'ombre subsistent : il semble en effet que les cartes mères avec puce nForce 200 (clairement la gamme UD7 de Gigabyte) ne puisse bénéficier de cette compatibilité pas plus d'ailleurs que les cartes mères équipées d'un HydraEngine signé Lucid. Patience donc...