Il ne suffit pas d'avoir de bonnes technologies et de bons produits, encore faut-il savoir les promouvoir et les proposer de façon pertinente au moment opportun: c'est peut-être ce que vient de comprendre Sony dont on vous disait la semaine dernière ici que ce groupe nippon était dépité par le tapage fait autour des produits Apple, jugés pas mieux que les siens, voire moins bien.
Cette semaine encore, Sony a choisi le pire moment pour faire la pire annonce: à deux jours de la mise en vente mondiale de l'iPhone 6 d'emblée réservé par des impatients à plusieurs millions d'exemplaires, Sony a méchamment sabré ses objectifs de résultats financiers annuels et décidé de supprimer 1.000 emplois dans sa filiale de mobiles à cause justement de méventes de smartphones.
C'est le patron en personne, Kazuo Hirai, pourtant considéré comme un fin stratège qui a fait cette annonce: le groupe redoute désormais une perte nette annuelle de 230 milliards de yens (1,7 milliard d'euros), contre 50 milliards auparavant.
Le fleuron déchu a aussi prévenu mercredi qu'il n'offrirait pas de dividende cette année, pour la première fois depuis son entrée en Bourse en 1958. Il ne faut pas s'étonner donc que l'action ait dégringolé de près de 10% le lendemain sur le marché. La maison fondée après-guerre par Akio Morita n'en finit pas de tailler dans le vif de ses activités (TV, PC, etc.) afin de tenter de renouer durablement avec les profits. Cela en devient inquiétant car on se demande ce qu'il va lui rester si d'aventure sont suivies les recommandations d'analystes qui finissent pas dire parfois que Sony n'a qu'à purement et simplement abandonner les smartphones. M. Hirai a cependant promis il y a quelques mois que les restructurations seraient terminées cette année et qu'il n'y aurait plus de grosses annonces durant le prochain exercice d'avril 2015 à mars 2016. Pourquoi d'un seul coup les smartphones sont-ils en cause ?
"Nous prévoyions précédemment une forte augmentation des ventes de l'activité des appareils de communication mobile" (smartphones, tablettes), mais "l'environnement concurrentiel du marché a été bouleversé", a expliqué M. Hirai. "Les changements sont violents dans ce secteur", a-t-il souligné, jugeant que Sony devait se protéger davantage contre les aléas et contre la montée en puissance des concurrents chinois à bas prix qui bouffent le marché d'entrée de gamme tandis qu'Apple et Samsung sont indéboulonnables sur le créneau des appareils plus avancés.
"Il s'agit de diminuer et mieux contrôler les risques pour garantir des revenus afférents plus stables", a justifié M. Hirai. En juillet déjà Sony n'espérait plus vendre que 43 millions de terminaux mobiles durant l'année budgétaire, soit 7 millions de moins que prévu au départ. Le groupe a fait des mobiles un des piliers de ses activités en rachetant à Ericsson la part que cette firme suédoise détenait dans la coentreprise Sony-Ericsson. Seul au commande, il espérait avoir davantage de prise sur l'orientation du marché et notamment de capacités à combiner davantage ses technologies mobiles avec celles d'autres divisions. Il le fait certes en partie, mais a du mal à se frayer un espace suffisant derrière les mastodontes Samsung et Apple qui, avec leurs collections respectives Galaxy et iPhone, dominent le marché des smartphones.
Comme on vous le disait la semaine passée, Sony se vante pourtant d'aligner une gamme de modèles Xperia dont le dernier en date, Z3, n'a techniquement rien à envier à l'iPhone 6 désormais disponible et que se sont arrachés des Japonais dès 8H00 vendredi matin. Le recordman Tetsuya Tamura (deux semaines sur le trottoitr devant l'Apple Store Ginza à Toky) avait quand même la mine un peu fatiguée juste avant de prendre possession de l'objet.
Face à ce raz-de-marée , "nous allons réviser notre stratégie dans une partie des régions", a promis M. Hirai. Et le même d'assurer que Sony veut mettre l'accent "sur la rentabilité plus que sur les parts de marché et le volume de ventes". Reste que "même sur le créneau haut de gamme", il va falloir modifier la façon d'agir, a insisté M. Hirai, qu'il s'agisse du calendrier de lancement des modèles, de leur cycle de renouvellement et de la façon de les promouvoir.
Des utilisateurs reprochent par exemple à Sony d'annoncer un nouveau produit phare de la ligne Xperia tous les six mois, quand Apple se contente d'une fois par an. "Le marché des smartphones continue de croître à un rythme annuel soutenu et Sony doit en être, nous devons même penser à l'ère post-smartphones", s'est avancé M. Hirai.
Et le même de répéter que le groupe qu'il dirige depuis deux ans et demi devait parvenir à "combiner au mieux ses contenus et son matériel pour sortir des produits typiquement Sony", une antienne dont a attend les résultats concrets. "Nous voulons montrer un nouveau Sony, surprenant", a martelé M. Hirai.
PROJECT MORPHEUS ET SMARTEYEGLASS
Est-ce par exemple avec le type de produits présentés au Tokyo Games Show ? En tout cas le casque d'immersion Project Morpheus, déjà dévoilé au salon E3 aux Etats-Unis, a fait un tabac auprès des médias nippons, c'est toujours ça de pris. Il est vrai qu'il était astucieusement mis en avant (avec la cohorte de minettes qui sied dans ce genre d'occasion). Cet engin est conçu pour être associé à la PlayStation 4 laquelle se comporte commercialement plutôt bien. Croisé par hasard au milieu de la cohue dans les travées du Tokyo Game Show, Andrew House, PDG de Sony Computer Entertainement et un des pères de ladite PS4, avait le sourire.
En outre, parce que c'était le lieu choisi et que Samsung y était aussi avec ses Galaxy, Galaxy Gear (montres) et Galaxy VR (casque vidéo), Sony s'est également offert au TGS 2014 un emplacement Xperia où il a présenté la nouvelle fonctionnalité de son smartphone Z3: la connexion sans fil à la console PlayStation 4 pour utiliser le portable comme écran déporté venant se fixer sur la manette de jeu. "Nous visons les personnes déjà habituées aux jeux sur consoles, mais nous espérons aussi inciter ceux qui ne sont pas si familiers avec ce divertissement et peuvent le découvrir avec l'Xperia", explique Mai Hora, porte-parole de Sony Mobile Communications.
Enfin, pour finir la semaine, le même Sony a présenté vendredi à Tokyo un prototype de lunettes (déjà vues à l'IFA à Berlin) censées offrir des fonctionnalités égales ou supérieures aux Google Glass. Il s'agit pour le moment d'un modèle peu discret à montures épaisses qui renferme diverses technologies pour superposer des informations visuelles virtuelles (textes, pictogrammes) en couleur sur la scène réelle observée. "Elles intègrent une boussole, un capteur CMOS pour la prise de vue, un accéléromètre, un gyroscope et un capteur de luminosité qui, combinés au GPS du smarphone auquel elles sont reliées, permettent de donner un certain nombre d'indications pertinentes à l'utilisateur", a expliqué Sony qui n'a pas précisé quand et à quel prix ces lunettes pourraient être mises en vente.
Le SDK a dans le même temps été rendu public pour permettre à des tiers de développer des applications rendant utile cet accessoire. Y travaille entre autres pour le moment le très populaire service japonais de recettes de cuisine Cookpad qui a conçu un programme qui déroule les informations en sous-titre de la scène vue au fur et à mesure de la préparation d'un mets. Est aussi en cours de développement d'une application-guide pour les coureurs qui non seulement donne des indications sur la progression du parcours (temps de course, distance, vitesse, etc.), mais aussi sur les points utiles (toilettes publiques par exemple). Ces lunettes peuvent aussi reconnaître les visages d'amis, faire apparaître les données relatives à un joueur lors d'un match au stade, ou encore afficher les messages postés sur les réseaux sociaux qui font référence au lieu où l'on se trouve.