Olivier CHAVRIER : "ResIDent, la république numérique selon Gemplus"

Jérôme Bouteiller
Publié le 03 décembre 2002 à 00h00
JB - Olivier CHAVRIER, bonjour. En quelques mots, pourriez présenter votre parcours et votre activité au sein de Gemplus.

OC - Ingénieur en electronique et titulaire du MBA de l'ESC Lyon et de la Cranfield School of Management, je travaille pour Gemplus depuis 5 ans où j'ai occupé différentes fonctions de marketing dans le domaine de la sécurité et de l'identité. Auparavant, j'ai travaillé dans l'industrie du semi-conducteur et des télécoms mobiles.

JB - Le management et la stratégie de Gemplus ont beaucoup évolué depuis 2 ans. Comment définissez vous désormais votre métier ? Comment se porte la société ?

OC - Je ne sais pas si je peux parler au nom de l'ensemble de Gemplus mais au sein de la division "identité et sécurité", nous avons toujours cherché à élargir nos activités en proposant, outre des cartes à puce, des logiciels, des lecteurs et des services. Cela correspond à une réelle valeur ajoutée demandée par nos partenaires et nos clients. En effet, nos logiciels et nos services facilitent l'intégration de la carte dans les systèmes des émetteurs et permettent de mettre en oeuvre rapidement tous les avantages de la carte à puce.

JB - Comment se répartit votre activité en France entre les différents secteurs : banque, télécom, santé. Quelles sont vos ambitions pour le secteur "gouvernemental" ?

OC - Depuis 2 ans, l'activité de Gemplus est organisée en 3 marchés verticaux :
- Les télécommunications avec les cartes SIM des téléphones cellulaires et les cartes téléphoniques traditionnelles
- Les moyens de paiement autour des cartes bancaires (débit, crédit, porte-monnaie électronique...) mais également les cartes de fidélité"
- L'identité et la sécurité

Ce 3e marché se divise également en deux sous-segments avec d'une part, les groupes "fermés" d'utilisateurs tels que les employés d'une entreprise ou les étudiants d'un campus. Gemplus dispose de solutions sécurisés pour accéder à un bâtiment ou à un système d'information. Ce segment se développe énormément depuis les attentats du 11 septembre...

D'autre part, un second segment destiné aux groupes "ouverts" d'utilisateurs avec une offre à destination des gouvernements pour sécuriser tous les papiers officiels grâce à la carte à puce : carte d'identité, passeport, visa, permis de conduire, carte grise, carte de santé, etc... La puce permet d'éviter la création de faux-papiers et la copie, assez répendue comme dans le cas du permis de conduire aux Etats-Unis mais également de personnaliser la relation entre l'administration et le citoyen et enfin de simplifier l'usage des services en ligne pour les déclarations légales.

Nous avons déployé notre solution au Sultanat d'Oman et nous l'avons proposé en Belgique. L'idée est également à l'étude en Espagne, en Italie, en France et même en Angleterre, où le gouvernement envisage une carte universelle (identité, permis de conduire, passeport), même si l'idée rappelle de mauvais souvenir aux britanniques puisque la carte n'a été obligatoire que pendant la seconde guerre mondiale.

JB - Vous évoquez votre solution, "resIDent", destinée à mettre des puces dans les papiers d'identité. Ne pensez vous pas que vous allez devoir "vendre" ce concept à l'opinion avant de faire signer les gouvernements ?

OC - Il est vrai que les citoyens doivent être convaincus par l'utilisation et les services offerts par une carte à puce. C'est un domaine qui est de la responsabilité du gouvernement et moins de celle de Gemplus. En effet, notre société n"a pas pour vocation de communiquer directement auprés des "utilisateurs finaux" à savoir les citoyens.

Le gouvernement français a néanmoins commandé des études d'opinion auprès de l'IPSOS et 70% des personnes interrogées sont favorables à l'idée d'une puce dans les papiers d'identité car cela donne une image de sécurité, de facilité d'utilisation et de haute technologie. C'est donc plutôt encourageant.

JB - La société française hésite entre un discours sécuritaire et libertaire. Dans ce contexte, qu'apporte votre solution aux citoyens ?

OC - ResIDent permet d'une part de simplifier les tâches administratives. Toute personne équipée d'un lecteur de carte à puce sur son PC pourra être identifié par son gouvernement et réaliser, par internet, de nombreuses tâches administratives en toute sécurité.
D'autre part, la carte à puce apporte une bonne protection de la vie privée. Premièrement, une identification peut se faire "offline" et permet d'éviter de passer par une grosse base de données centralisées. Deuxièmement, la puce est intelligente et sait gérer, en parallèle, plusieurs bases de données. Elle n'encourage donc pas la création d'une base centralisée. Enfin, la puce pratique la "ségrégation de l'information" et ne fournit que l'information pertinente à celui qui la demande. Si quelqu'un veut connaitre votre âge pour savoir si il peut vous vendre de l'alcool par exemple, la puce ne lui fournira que votre âge tandis qu'une carte ordinaire indique également votre nom et votre adresse.

JB - L'informatisation permet elle de réaliser de gros gains de productivité en matière administrative ?

OC - Il est encore un peu tôt pour répondre avec précision mais l'informatisation permet de réaliser de gros gains en matière de qualité de service et de sécurité.

JB - Que pensent les politiques ou les décideurs administratifs de votre solution ?

OC - Les gouvernements sont globalement convaincus. Ils ont bien compris l'intérêt de la puce et son apport en terme de sécurité mais doivent également considérer des aspects budgétaires, organisationnels et biensûr légaux. En Belgique, la solution est en gestation depuis deux ans et son déploiement prendra encore deux ou trois ans pour que chaque belge dispose d'une carte d'identité à puce.

JB - On voit apparaitre des puces sous la peau (verichip) ou des puces sans contact (ASK). La carte d'identité pourrait-elle nous être directement "greffée" ?

OC - Gemplus ne propose pas ces technologies et aucun de nos clients ne nous les réclame.

JB - Carte bleue, carte SIM, carte vitale, Moneo, etc... les cartes à puce se multiplient. La carte SIM pourrait-elle assumer toutes ces fonctions ? Le téléphone pourrait-il faire office de pièce d'identité ou d'outil de paiement ?

OC - Techniquement, une même carte à puce peut en effet assumer toutes ces fonctions. La question se pose plus en termes politiques : Est-ce que l'Etat Français ou le citoyen accepteraient que Orange ou SFR émettent une carte d'identité ?

JB - La société Vodafone compte plus de 100 millions de clients à qui elle fournit des services de télécommunication, d'information ou de divertissement. Dans le fond, est-ce un métier fondamentalement si éloigné de celui d'un Etat qui fournit des services de santé, d'éducation ou de transport à quelques dizaines de millions de citoyens ?

OC - Je doute que le gouvernement décide de sous-traiter certaines fonctions régalienes à des entreprises privées et, à l'inverse, je doute que vodafone ait pour ambition de fournir les services d'un Etat qui sont, dans beaucoup de domaines, très éloignés de son coeur d'activité. En tout cas, Gemplus dispose de toutes les solutions multi-applicatives en matière de carte à puce pour un tel futur !

JB - Monsieur Chavrier, je vous remercie.
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