En septembre, BepiColombo va de nouveau survoler Mercure. Mais pas encore pour entrer en orbite... © ESA/JAXA/Bepicolombo
En septembre, BepiColombo va de nouveau survoler Mercure. Mais pas encore pour entrer en orbite... © ESA/JAXA/Bepicolombo

Les bulles retombent à peine, des feux d'artifice plein les yeux, nous sommes en 2024. Une année spatiale, à n'en pas douter ! Cette année sera emplie de découvertes, de nouvelles images de l'Univers, de flammes de fusées, de réussites spectaculaires et d'échecs tout aussi flamboyants. Une nouvelle année d'exploration spatiale.

Et pour commencer, bonne année à vous ! Avant de commencer ce tour d'horizon, le même avertissement chaque année : les prédictions sont un jeu dangereux, une pente glissante vers un monde qui n'existe qu'en conjectures. En 2024, nous aurons des surprises, des erreurs inattendues, de nouvelles promesses et des nouveautés incroyables. Comme chaque année, une partie des prévisions ne se réaliseront pas. Ce n'est donc pas un guide de ce que vous verrez, mais de ce que l'on attend au 1er janvier, en fonction des informations dont on dispose.

Le premier décollage orbital de 2024 a déjà eu lieu, avec la fusée PSLV indienne. © ISRO
Le premier décollage orbital de 2024 a déjà eu lieu, avec la fusée PSLV indienne. © ISRO

2024 devrait être une grande année astronautique. Avec, d'abord, quelques aventures suborbitales pour les riches clients des deux rivaux américains, Virgin Galactic et Blue Origin. Le prochain vol du petit avion-fusée de la firme de Richard Branson est déjà prévu le 26 janvier, et ce, même s'il vit ses dernières paraboles avant sa retraite cet été (Virgin met ses efforts sur la prochaine génération). New Shepard devrait de son côté reprendre les décollages avec passagers, après un retour en vol réussi à la fin décembre. Pour dépasser les 3 vols de 2022 ? Il devrait y avoir toujours plus de vols orbitaux habités aussi, avec d'abord les rotations pour les stations orbitales, la station chinoise (2 équipages prévus sur Shenzhou) et l'ISS (2 Soyouz et 2 Crew Dragon). Par ailleurs, on attend en 2024 l'arrivée d'un ou deux nouveaux types de cargos, le HTV-X japonais et la petite navette privée DreamChaser côté américain.

D'autres vols habités sont attendus cette année. En janvier notamment, un équipage de « tourisme » s'envolera vers l'ISS pour une semaine (mission Axiom-3), et il est probable qu'Axiom tente une autre mission avant fin 2024. Les regards se tournent aussi vers le milliardaire Jared Isaacson et sa mission Polaris avec SpaceX, au cours de laquelle les astronautes tenteront une originale sortie en scaphandre privé. On attend encore avec impatience le premier vol habité de la capsule Starliner de Boeing prévu en avril-mai…

Et puis évidemment, la plus grande aventure, la mission Artemis II et son tour de la Lune pour la fin de l'année. Même si quelques indices récents laissent penser que les 4 astronautes ne partiront finalement que d'ici début 2025.

Oui, des photos dans Crew Dragon, on devrait en voir toute l'année. © SpaceX

La Lune, elle, restera l'église au milieu du village de l'exploration spatiale en 2024. Au moins quatre missions robotisées tenteront de s'y poser ! Il y a le petit atterrisseur japonais SLIM, qui est entré en orbite lunaire il y a quelques jours et qui devrait tester une descente de grande précision, les deux atterrisseurs américains d'Astrobotic (Peregrine) et Intuitive Machines (IM-1) qui vont décoller dans quelques jours ou quelques semaines pour les premières aventures des USA sur le sol sélène depuis 1972 !

Et, bien sûr, la Chine et sa mission Chang'e-6, qui partira récupérer des échantillons sur la face cachée de la Lune, une grande première ! Pour qu'elle puisse réussir, la Chine devrait d'abord envoyer au printemps un nouveau satellite lunaire qui aura la tâche de relayer les signaux vers la Terre. Enfin à la fin de l'année il pourrait y avoir une nouvelle mission privée japonaise, avec l'équipe de iSpace qui devrait envoyer un nouvel atterrisseur Hakuto. Le premier s'était écrasé au printemps 2023…

Sur Mars, l'année qui commence devrait être celle d'une transition vers l'avenir. Au sol, on souhaite de belles aventures à Curiosity (qui remonte la vallée de Gediz) et à Perseverance (qui va sortir du cratère Jezero), mais aussi au petit hélicoptère Ingenuity. Ses équipes vont en effet continuer à l'envoyer en reconnaissance tant qu'il pourra voler !

On attend de nouveaux résultats de recherche, et surtout des clarifications pour les futures missions vers la Planète rouge. Si tout se passe idéalement, la NASA et Blue Origin enverront avant la fin de l'année les deux petites sondes ESCAPADE vers Mars, pour continuer l'étude de son atmosphère qui se délite. Enfin, on attend en 2024 des nouvelles optimistes de la mission européenne « maudite », ExoMars et son rover !

Le décollage de ces "4 fantastiques" pour la Lune aura-t-il lieu avant le prochain réveillon ? © NASA

En 2024 par contre, on devrait encore beaucoup parler de Jupiter. Parce que la sonde Juno, actuellement sur place, survole la lune-volcan Io avec des images absolument inédites (et des résultats de mesure à l'étude). Parce que la sonde européenne JUICE, qui a décollé l'an dernier, va réaliser une manœuvre très originale de double assistance gravitationnelle Terre-Lune en août 2024, et puis parce que la NASA va envoyer sa mission pour étudier la lune gelée, Europa Clipper, à l'automne prochain ! Un véritable festival. On espère aussi en 2024 de nouvelles images de la préparation de la mission-drone Dragonfly vers Titan, et qui sait, des nouvelles d'une éventuelle mission chinoise ou américaine orientée vers les deux grandes oubliées, Uranus et Neptune ?

L'étude des astéroïdes sera un peu en retrait en 2024. Bien sûr, l'ESA compte envoyer avant la fin de l'année la sonde Hera pour inspecter le couple d'astéroïdes Didymos-Dimorphos (celui que la sonde DART avait frappé en 2022), mais il ne devrait pas y avoir de nouvelle visite cette année : les sondes Psyche et Lucy sont en transit, tout comme Hayabusa2 et OSIRIS-APEX. Une seule sonde devrait survoler Vénus cette année, c'est la mission solaire Parker de la NASA (le 6 novembre), qui en profitera à la fin de l'année pour signer de nouveaux records de vitesse absolue.

Et pour Mercure, la mission européenne-japonaise BepiColombo va continuer d'aligner sa trajectoire avec la planète la plus proche du Soleil avec un 4e survol prévu en septembre. Le Soleil lui-même sera scruté avec attention : on arrive doucement au pic d'activité de son cycle, ce qui représente un peu plus de dangers pour nos satellites et nos services, et un peu plus d'opportunités pour observer de spectaculaires aurores boréales.

Gageons que tout le monde devrait s'y retrouver. Et si d'aventure il nous est impossible d'en voir, nous pourrons toujours nous consoler avec les images des télescopes Hubble (qui fonctionne toujours bravement), James Webb (il dépasse toutes les attentes) et Euclid, qui vont nous nettoyer les pupilles !

Rappelons aussi que derrière les belles images, il y a évidemment des enjeux scientifiques pour mieux comprendre notre univers ! © NASA/ESA/CSA/James Webb

En parlant de satellites, 2024 devrait représenter la continuité de l'année dernière. Avec en premier lieu des unités Starlink (SpaceX) pour la constellation de connectivité du même nom… Comme s'il en pleuvait.

Amazon devrait également envoyer plusieurs lots de satellites de sa constellation Kuiper, tandis que les projets chinois vont arriver en orbite à plus haute cadence… Et pas seulement pour fournir internet ! La constellation chinoise qui a reçu le plus de satellites l'an dernier s'appelle Tianmu-1, et ce sont des satellites météorologiques. Satellites optiques et radar pour mieux voir les activités humaines (mais aussi les icebergs et autres formations naturelles), les détecteurs hyperspectraux et de gaz pour détailler l'impact sur le changement climatique, il devrait y avoir cette année de nombreuses nouvelles plateformes. Sans oublier l'amélioration du positionnement avec des satellites GPS (au moins 1 ou 2), Galileo (normalement 4), Glonass et Beidou.

Côté satellites, l'Europe aura toujours autant de mal à envoyer les siens depuis le sol européen. Résultat, plusieurs unités sont « bloquées », comme les radars Sentinel 1C et 1D, les prochains Sentinel 2, des satellites météorologiques comme MetOp-SG ou des observatoires importants comme Biomass. Pourquoi ? Parce que la crise des lanceurs se poursuit. Elle sera partiellement résolue si ArianeGroup, l'ESA et le CNES réussissent enfin à mettre en service Ariane 6 cette année. Le tir est actuellement prévu à la mi-juin, et tous nos regards seront tournés vers la nouvelle fusée, en espérant qu'elle réussisse son dernier test jusqu'en orbite.

Et ce n'est pas tout, il faudra aussi trouver une réponse à l'équation du côté des plus petits lanceurs, qu'il s'agisse du duo Vega et Vega C, des premières très attendues de lanceurs du NewSpace européen (RFA, ISAR Aerospace, Latitude, Orbex, Skyrora, PLD Space…) ou des prototypes de futurs étages réutilisables. Cette année, il faut livrer !

On attend l'avènement d'Ariane 6 depuis... depuis... hein... © ESA/M.Pedoussaut

En effet, la concurrence internationale n'attend pas. Avec ses lancements de Starlink, SpaceX devrait dépasser en 2024 la barre des 100 décollages pour une seule entreprise (et potentiellement jusqu'à 120), en sachant que si le réseau de connectivité est vraiment rentable, il n'y a pas vraiment d'avantages pour la firme californienne à choisir de prioriser d'autres clients ! On s'attend également à du grand spectacle avec le programme Starship, qui entre dans une année cruciale : il faut avancer rapidement sur la technique pour convaincre les investisseurs, mais aussi et surtout l'agence spatiale américaine, qui a fait confiance au géant du spatial fondé par Elon Musk pour le futur de son programme lunaire. Le tout en avançant sur la réutilisation.

SpaceX n'est pas la seule firme avec le pied sur l'accélérateur. Rocket Lab et Firefly espèrent toutes deux battre des records, United Launch Alliance devrait remettre le pied à l'étrier avec son nouveau lanceur Vulcan, ça va décoller dans tous les sens… Aux États-Unis comme en Chine ! Le pays devrait dépasser les 70 décollages en 2024, dans un mix toujours aussi étonnant entre les lanceurs de la fin des années 80 et d'autres tout nouveaux issus de start-up soutenues par le secteur de la tech et les banques. L'Inde ne sera pas en reste (on observera avec attention les progrès sur leur capsule habitée Gaganyaan) et même la Russie prévoit quelques nouveautés avec la fusée Angara. Autour du monde, peut-être entre 220 et 250 tirs orbitaux en un an !

Il y aura des surprises en 2024, mais lesquelles ? © Blue Origin

L'année sera rythmée par les flammes des décollages, les explosions et communiqués de ceux qui ont raté leur coup, les beaux matériels qui partiront pour la Lune et les dernières images avant de se poser, de récupérer une fusée ou de s'écraser. Kerbal Space Program 2 n'a pas répondu aux attentes des fans, alors 2024 devra s'en charger en vrai. Il n'y a plus qu'à attacher vos ceintures ! 5, 4, 3, 2, 1…