L'une des premières images du nouveau télescope spatial Euclid. Plongée dans les étoiles ! © ESA/Euclid/Euclid Consortium/NASA, CC BY-SA 3.0 IGO
L'une des premières images du nouveau télescope spatial Euclid. Plongée dans les étoiles ! © ESA/Euclid/Euclid Consortium/NASA, CC BY-SA 3.0 IGO

C'est le moment de faire les comptes sur cette année chargée en exploration du Système solaire, avec le nouveau télescope Euclid, une visite et des morceaux d'astéroïdes, des tentatives lunaires… L'activité n'a pas manqué en 2023 !

La Lune, le centre des passions

Elle est l'objet céleste le plus proche à explorer, et l'on sait qu'il reste tant à découvrir sur notre satellite naturel ! Les missions s'y succèdent, mais tous ne passent pas le test ultime de l'atterrissage. Reste que les images sont à couper le souffle et les promesses alléchantes.

La sonde Danuri a pris ce cliché de la surface lunaire au début de l'année. © KARI
La sonde Danuri a pris ce cliché de la surface lunaire au début de l'année. © KARI

La sonde sud-coréenne Danuri, en orbite lunaire depuis novembre 2022, a pris de superbes clichés toute l'année. La première aventure lunaire pour ce pays a été prolongée pour une durée d'au moins un an. Outre les photos, l'un de ses instruments est spécialisé pour observer ce qui se cache dans l'ombre des cratères polaires.

Le petit atterrisseur japonais Hakuto-R s'est écrasé sur la surface le 25 avril 2023, en tentant de se poser dans le cratère Atlas (face visible). Une tentative de l'entreprise privée i-Space, qui a ensuite livré une enquête sans concession. En réalité, les données de l'altimètre laser ont été jugées trop extrêmes par l'ordinateur de bord, qui s'est ainsi reposé sur des mesures faussées, et a terminé son voyage en chute libre. I-Space devrait retenter l'aventure en 2024-25.

L'une des seules images de la sonde russe Luna-25, avant sa fausse manœuvre. © Roscosmos

La première tentative russe pour se poser sur la Lune depuis les aventures soviétiques des années 70 s'est également très mal terminée. La mission Luna-25, qui avait décollé le 11 août, est arrivée rapidement en orbite lunaire, mais a raté l'une de ses manœuvres (trop puissante) pour abaisser sa trajectoire, avant même de tenter de se poser. Tout s'est passé trop vite pour que Roscosmos puisse faire quoi que ce soit et elle s'est écrasée.

Chandrayaan-3 est peut-être l'un des plus beau succès de mission de l'année. L'atterrisseur indien, qui avait décollé en juillet, s'est posé sans anicroche sur la surface lunaire le 23 août 2023. Un événement célébré en Inde avec des millions de spectateurs et autour du monde, et une revanche après un terrible échec en 2019. L'atterrisseur a fonctionné les 15 jours prévus, et réussi à déployer le petit rover Pragyan, qui a parcouru quelques dizaines de mètres et réussi ses mesures. En bonus, l'atterrisseur a même réussi un petit saut le 3 septembre. Et l'ISRO « joue » depuis août avec le module de propulsion laissé en orbite lunaire : elle l'a ramené autour de la Terre.

L'atterrisseur lunaire Chandrayaan-3, photographié par son petit rover. © ISRO

L'agence japonaise (la JAXA) a envoyé sa propre mission lunaire en 2023, appelée SLIM. Un véhicule minimaliste qui a pour but de tester une approche très économe en carburant (il est encore en route) et un atterrissage à haute précision (moins de 100m d'écart aux prévisions). Réponse en janvier-février…

Déception côté NASA, aucune des missions publiques/privées du programme Artemis-CLPS n'ont pu aboutir à temps pour décoller cette année. Néanmoins, les deux sont prêtes pour leur lancement et sont en Floride pour leur préparation finale ! Les atterrisseurs Peregrine (Astrobotic) et Nova-C (Intuitive Machines) vont rythmer le début d'année 2024. Et l'agence américaine prépare Artemis II, le retour des humains autour de la Lune : elle a nommé l'équipage en avril 2023. Tout le monde se prépare…

Sur Mars, la NASA continue sa démonstration

Pour Curiosity, le terrain n'est pas facile à traverser. © NASA/JPL-Caltech

Au mois de novembre, le Soleil est venu comme tous les 2 ans s'intercaler entre la Terre et Mars, il a donc fallu que toutes les sondes en orbite et les robots fassent une pause de deux semaines avant de pouvoir reprendre le contact. Mais les véhicules de la NASA ont répondu présent ! Le plus vieux d'entre eux, Curiosity (11 ans sur la surface) continue de grimper à l'embouchure de la vallée de Gediz, dans le piémont du Mont Sharp. Il a les roues bien abîmées, mais il doit surtout gérer sa baisse progressive d'énergie en étalant un peu ses différentes activités. Depuis octobre, il gérait l'un de ses nombreux forages, et il a depuis repris sa route.

Perseverance, qui vient de fêter ses 1 000 jours martiens à la surface, passe moins de temps sur des sites d'exploration, il est optimisé pour parcourir plus de chemin. Il a déjà plus d'un semi-marathon derrière lui (23 km). Et cette année, il a poursuivi sa collecte d'échantillons tout en se dirigeant doucement vers la Vallée de Neretva, qui lui permettra de sortir du très grand cratère Jezero où il a atterri en 2019.

À la surprise générale, l'hélicoptère Ingenuity s'avère pratiquement increvable ! En tout cas c'est l'impression qu'il donne après 67 vols sur la planète rouge. Il s'est même payé le luxe, après quelques semaines d'indisponibilité au printemps dernier, de devancer Perseverance dans la vallée. Et ses performances ont à peine baissé, il a même réussi des vols records depuis cet été (24 mètres d'altitude, vitesse de 10 m/s).

Ingenuity vole au-dessus du sol de Mars. En fond, le cratère Belva, et le rover Perseverance. © NASA/JPL-Caltech/Thomas Appere

On s'y attendait avec le silence des autorités chinoises, mais le rover Zhurong n'a pas repris le contact avec les stations au sol en 2023. Fidèle à sa réputation, l'agence nationale n'a rien publié sur le sujet et n'annoncera pas officiellement la fin de la mission. Tianwen-1, qui l'avait transporté jusqu'à Mars, poursuit de son côté sa mission en orbite.

Les orbiteurs autour de Mars n'ont pas changé (Mars Express, Mars Odyssey, MAVEN, ExoMars TGO, Tianwen-1, Hope et Mars Reconnaissance Orbiter), et à l'exception des missions de récupération des échantillons, que les études et les budgets semblent plutôt repousser à la fin de la décennie, Mars semble un peu délaissée des planifications actuelles au profit d'autres horizons. Français et Allemands ont tout de même livré au Japon le rover IDEFIX de la mission Martian Moon Exploration, qui devrait partir se poser sur Phobos s'il décolle l'an prochain. En attendant d'autres promesses ?

Le rover Idefix, que nous avons pu approcher dans les locaux du CNES. © E.Bottlaender pour Clubic

Avalanche d'images au point de Lagrange !

Le télescope James Webb ne cesse d'émerveiller. Et en 2023, on a fêté sa première année complète d'observation. Le bilan n'est rien de moins qu'extraordinaire. Des planètes aux galaxies éloignées, en passant par les caractéristiques précises d'exoplanètes proches et lointaines. Des mondes étranges où naissent les étoiles, et des atmosphères chargées de nuages de sable, à des années-lumière de notre quotidien. Le JWST est une pépite, et ses images seront étudiées des décennies.

La nébuleuse de la Lyre, observée par le télescope James Webb. © NASA/ESA/CSA/JWST

C'est le petit dernier au point de Lagrange Terre-Soleil L2 ! Euclid, le télescope de l'ESA qui va cartographier les galaxies, a décollé en juillet 2023 et sa mission scientifique a pu démarrer au mois de novembre. Il va constituer un gigantesque catalogue de milliards de galaxies pour comprendre l'expansion de l'Univers, sa structure, ainsi que les rôles de la matière noire et de l'énergie sombre. Beaucoup de promesses… et de belles images.

Les astéroïdes, toujours au cœur des débats

OSIRIS-REx a déposé ses échantillons sur Terre le 24 septembre dernier, ce qui clôt officiellement sa mission qui avait démarré en 2016. À présent, la capsule récupérée (après un retour sous parachute qui a failli se terminer en un immense gâchis) est dans le laboratoire spécialisé de la NASA à Houston, prête à livrer ses secrets. Ces quelques dizaines de grammes vont faire l'objet de nombreuses études et publications. La sonde, elle, est toujours en pleine forme et poursuit son voyage. Elle reviendra vers nous en 2029 pour étudier l'astéroïde Apophis.

Premières images des poussières d'astéroïde présentes sur le bord de la capsule de la mission OSIRIS-REx. © NASA

Avec plus d'une année de retard, la sonde Psyché de la NASA a finalement décollé le 13 octobre dernier. Elle a depuis vérifié la bonne santé de ses instruments, et son voyage vers l'astéroïde métallique qui porte son nom a bien démarré. Alors, ancien cœur de planète ou astéroïde de métal fondu ? Son étude sera passionnante, mais Psyche n'arrivera sur place qu'en août 2029. Elle teste d'abord son nouveau système de communication par signaux optiques laser.

2023, c'est aussi la rencontre entre la mission américaine Lucy, qui est en route pour aller étudier les astéroïdes troyens de Jupiter, et Dinkinesh. Une opportunité pour laquelle la NASA n'a donné le feu vert qu'en début d'année, et un survol qui a pu avoir lieu en décembre. Avec de belles découvertes, notamment une petite lune qui est un double corps, ce que l'on appelle un binaire de contact. Une belle répétition pour la suite de la mission !

L'astéroïde Dinkinesh, et sa petite lune derrière lui. © NASA

L'engouement pour les astéroïdes ne baisse pas. En plus des missions majeures (Lucy, Psyche) et des extensions d'Hayabusa2 et OSIRIS-REx, plusieurs agences sont dans les starting-blocks pour aller visiter et étudier des astéroïdes. C'est le cas des Émirats arabes unis avec leur sonde nommée MBR Explorer détaillée cette année et prévue pour 2028, ou de la Chine avec sa mission Tianwen-2 prévue pour 2025.

Mercure, une visite opportune

Bepicolombo a survolé Mercure pour la troisième fois cette année. La grande mission européenne et japonaise continue de se rapprocher de son objectif final qui va consister à entrer en orbite en décembre 2025. En attendant, il faut gérer au mieux les trajectoires, économiser les instruments scientifiques et extraire un maximum de données de ces précieux survols !

Bepicolombo survole Mercure pour la troisième fois. Et ce n'est pas terminé... © ESA/BepiColombo/MTM, CC BY-SA 3.0 IGO

Vénus est-elle délaissée ? À l'exception de l'increvable petite sonde japonaise Akatsuki, il n'y a actuellement aucune mission autour de la planète-enfer ! Une situation qui devrait se prolonger l'an prochain, sans survol particulier… Plusieurs véhicules sont pourtant en préparation sur Terre, et même une mission privée, celle de Rocket Lab !

Objectif Jupiter et ses Lunes

En orbite autour de la géante gazeuse, la sonde Juno (NASA) a survolé plusieurs fois la seule lune volcanique de notre Système Solaire, Io. Un véritable festival de nouvelles images détaillées et poétiques nous est parvenu, et les publications sont en préparation. Io reste méconnue, car elle change et son paysage évolue au gré des éruptions. Le survol le plus proche est prévu pour le 3 février prochain.

La lune volcanique Io, photographiée par la sonde Juno en octobre 2023. © NASA/JPL-Caltech/SwRI/MSSS/Ted Stryk

C'est l'un des décollages les plus spectaculaires de l'année, celui de la sonde JUICE ! Partie pour explorer les lunes gelées de Jupiter d'ici 2031, JUICE et son lanceur Ariane 5 ont formé un duo gagnant. À présent, les panneaux solaires de la mission de l'ESA sont étendus et tout se passe bien, la longue phase de croisière a commencé. Le trajet sera long, et nous serons patients !

Loin, bien loin de la Terre

Le télescope James Webb nous a régalés avec de nouvelles photos d'Uranus, mais il faudra encore attendre pour voir de nouvelles aventures avec les planètes les plus éloignées de notre Système solaire. Même si des concepts fleurissent dans les entreprises privées (mais aussi en Chine), ce n'est pas demain que les géantes gelées recevront de la visite.

Uranus photographié en infrarouge par le télescope James Webb. © NASA/ESA/CSA/STScl

La sonde New Horizons, qui avait plusieurs années durant cherché un nouvel objectif pour un dernier survol, continuera finalement en « ligne droite » jusqu'à sortir du Système Solaire. Ses capteurs optiques sont désormais utilisés pour observer des étoiles proches et les planètes naines. La mission est prolongée, mais les équipes ne tenteront plus de changer sa trajectoire.

Enfin, il reste les deux sondes Voyager, les doyennes ! Elles sont toujours actives, même si Voyager 1 souffre d'un problème de blocage depuis le mois de novembre. Pas facile de s'occuper des bugs lorsque le véhicule est à 24 milliards de kilomètres… Voyager 2 continue aussi son chemin, et la sonde a même reçu un patch logiciel cette année.

Le Soleil, terrain pour de nouveaux records

Les deux "champions" de l'observation solaire actuelle, Solar Orbiter à gauche et la sonde solaire Parker. © NASA/ESA

Pour terminer, n'oublions pas notre étoile. Cette dernière est bientôt à son pic d'activité (les cycles durent environ 8 ans), et plusieurs missions l'étudient en temps réel depuis différentes positions. La sonde solaire Parker (NASA) a battu son propre record de vitesse, en plongeant à seulement 7.9 millions de kilomètres de la « surface », tandis que sa cousine de l'ESA, Solar Orbiter, observait les pôles et a proposé une nouvelle piste pour comprendre les températures extrêmes de la couronne solaire. Les deux missions se sont même coordonnées pour prendre des mesures au même moment !

Demain, dans la deuxième partie du « bilan spatial », retrouvez toute l'actualité marquante de l'astronautique, des satellites et des lanceurs.